Réponse à l’article de Monsieur Alain Gresh intitulé « Antisionisme, antisémitisme et idéologie coloniale », publié sur orientxxi.info le 19.02.2019

Après lecture de cet article, qui explique clairement le mouvement colonial sioniste en Palestine, le dernier paragraphe m’a interpellé à plusieurs titres et le premier est : quelle fin décalée pour un article comme celui-ci !
« (…) D’autre part, même s’il a été bâti sur une injustice, Israël est désormais un État reconnu par la communauté internationale, par les Nations unies. Penser, comme l’ont fait et continuent de le faire certains, que l’on peut « expulser » les Israéliens, les renvoyer « chez eux », n’est ni moralement défendable ni politiquement réaliste. Une injustice ne peut être réparée par une autre injustice. Vivent désormais en Terre sainte deux peuples, l’un israélien, l’autre palestinien.»

« (…) On peut rêver, comme le font quelques intellectuels palestiniens et israéliens, qu’un seul État pourrait les regrouper ; c’est une belle utopie, que notre génération ne verra pas se réaliser. Et, quoi qu’il en soit, aucune solution ne pourra être imposée de façon unilatérale aux Palestiniens ni aux Israéliens. »

Plusieurs questions me viennent à l’esprit.

Décrire si précisément le mouvement colonial, ses origines, sa pensée, ses leaders, ses méthodes, dont l’expulsion et les massacres de Palestiniens par des colons venus de différents pays, prêts au pire pour accomplir une des pages les plus noires du colonialisme dans le monde, pour finir par légitimer ce même Etat colonial.

La première question, Monsieur Gresh : les colons que vous décrivez dans votre article, hier et aujourd’hui, qui prennent leurs terres aux Palestiniens, forment-ils un peuple comme vous le prétendez ? Si oui, quel serait son guide moral ?

Vous dites dans ce dernier paragraphe : « Israël est désormais un État reconnu par la communauté internationale, par les Nations unies. »

Quand bien même la communauté internationale reconnaît cet Etat, cela lui donne-t-il une once de légitimité ?

Pour les Nations-Unies, c’est encore pire, elles partagent le 29 novembre 1947 une terre qui ne leur appartient pas pour en donner une partie aux colons sionistes. Dans ce cas, Monsieur Gresh, quelle est cette légitimité que vous sous-entendez dans la reconnaissance par les Nations-Unies ?

Vous déclarez aussi : « Et, quoi qu’il en soit, aucune solution ne pourra être imposée de façon unilatérale aux Palestiniens ni aux Israéliens. »

La question qui vient à l’esprit est : Mais pourquoi, Monsieur Gresh, vous attachez-vous tant à décrire l’injustice qu’a subi le peuple palestinien qui de fait devient la victime des sionistes et donc par la même des Israéliens, pour finalement mettre sur le même niveau victime et bourreau en disant qu’il ne faut rien imposer aux Israéliens, qui sont comme vous le dites des colons depuis la fondation du mouvement sioniste ?

Dois-je comprendre, Monsieur Gresh, qu’en tant que Palestiniens, nous devons accepter le statu quo ? A savoir que le spoliateur a tous les droits et le spolié n’en a aucun ?

Doit-on comprendre que le bourreau, « l’Etat d’Israël », ne mérite aucune sanction ?

Dans ce cas, il n’aurait fallu imposer aucune solution unilatérale concernant l’Algérie « française » ou en l’Afrique du sud de l’Apartheid ?

Pour finir, Monsieur Gresh, une dernière question sur la moralité.

Vous déclarez : « Penser, comme l’ont fait et continuent de le faire certains, que l’on peut « expulser » les Israéliens, les renvoyer « chez eux », n’est ni moralement défendable ni politiquement réaliste. Une injustice ne peut être réparée par une autre injustice. »

Cette affirmation pose la question : quelle attitude adopter en tant que Palestiniens, ou en tant que soutien au peuple palestinien, qui subit, comme vous le décrivez si bien, la négation par le mouvement colonial sioniste de son identité, de sa légitimité et de sa souveraineté sur sa terre, hier comme aujourd’hui ?

Car, nous sommes d’accord, la colonisation qui est à son apogée aujourd’hui et qui expulse tous les jours les Palestiniens de leurs terres, porte les germes d’une nouvelle expulsion de masse comme la Nakba en 1947/1948.

La solution, Monsieur Gresh, ne passe-t-elle pas par un processus de justice historique qui reconnaît aux Palestiniens l’injustice qui leur a été faite et qui finalement leur permettrait de retourner sur les terres dont ils ont été chassés depuis 1948 ?

Cette solution, Monsieur Gresh, ne serait-elle pas le minimum qui doit être imposé à Israël et aux Israéliens ?

La moralité « acceptable », serait-elle de ne pas expulser les Israéliens et de laisser les Palestiniens sous l’occupation et la colonisation, sans parler des Palestiniens vivant en exil ?

Et l’implantation des colonies sionistes commencée au moment de l’occupation anglaise en 1917, à partir de quand devient-elle légitime et inexpulsable, Monsieur Gresh ?

Est-il moral, Monsieur Gresh, de considérer qu’une colonie sionisteimplantée, comme vous le décrivez, au détriment des droits des Palestiniens, devienne Morale ?

La spoliation des biens et des terres des Palestiniens est tout aussi inacceptable que la spoliation des biens des Français juifs pendant la seconde guerre mondiale. Et il est tout à fait moral que les Palestiniens puissent récupérer leurs biens 71 ans après la Nakba.

Les Israéliens savent tous qu’ils ont spolié les Palestiniens. C’est à eux de prendre leurs responsabilités et de rendre justice aux Palestiniens. Mais, visiblement, les Israéliens et leurs dirigeants ont pris le chemin d’une plus grande radicalité envers les Palestiniens qui leur rendent maintenant coup pour coup. La résistance palestinienne, hier comme aujourd’hui, n’est que la conséquence de l’occupation.

Pour finir, Monsieur Gresh, l’expulsion des Israéliens ne dépend que des Israéliens eux-mêmes et de leur attitude face à la volonté des Palestiniens de recouvrer leurs droits légitimes sur leur terre historique, de la mer au fleuve Jourdain, la Palestine.

Et il serait immoral de faire porter la responsabilité morale de l’expulsion des Israéliens colons, comme vous les décrivez, aux Palestiniens ou à leurs soutiens.

Les Palestiniens sont les victimes et ils se défendent sur et pour leur terre et leurs droits, et il n’y a aucune légitimité à défendre un Etat colonial comme Israël.

Je trouve que de votre part Monsieur Gresh, vous qui vous présentez comme un homme de gauche, il est irresponsable moralement et politiquement de soutenir un Etat colonial, et finalement de vouloir sauver le soldat Israël et d’employer de tels arguments.

La légitimité d’une cause se fonde uniquement sur la justice et le droit, or Israël n’applique ni l’un ni l’autre.

Walid Atallah
Membre de l’association des Palestiniens en France

Source : ISM France – Publié le 27 mars 2019