La Cour de justice de l’Union Européenne a décidé mardi que les marchandises provenant de colonies israéliennes situées sur des terres palestiniennes occupées devaient être étiquetées comme provenant de colonies.
Le jugement porte un coup sévère aux efforts d’Israël pour légitimer ses colonies en Cisjordanie occupée et sur les hauteurs du Golan syrien – dont la construction est un crime de guerre.
La juridiction, qui est la plus haute autorité judiciaire chargée d’interpréter le droit de l’Union, a déclaré que l’étiquetage des produits en liquidation est obligatoire « afin d’empêcher les consommateurs d’être induits en erreur sur le fait que l’État d’Israël est présent sur les territoires concernés en tant que puissance occupante et non en tant qu’entité souveraine ».
La décision reconnaît également que les colonies de peuplement israéliennes font partie d’une « politique de transfert de population » d’Israël « en violation des règles du droit international humanitaire général ».
Renforcement juridique pour BDS
Selon la Cour européenne, un étiquetage précis est nécessaire pour que les consommateurs puissent faire « des choix éclairés, non seulement en matière de santé, de considérations économiques, environnementales et sociales, mais également en matière d’éthique et de respect du droit international ».
En d’autres termes, la plus haute juridiction de l’UE affirme que les citoyens ont le droit de s’engager dans un boycott économique des marchandises afin de promouvoir le respect des droits de l’homme et du droit international.
Cette partie de la décision sera particulièrement bienvenue pour les défenseurs du BDS – Boycott, Désinvestissement et Sanctions – qui insistent sur le rôle de la société civile dans la responsabilisation des violations par Israël des droits des Palestiniens.
Un peu plus tôt cette année, un haut responsable de la Cour de justice de l’UE avait rendu un avis consultatif comparant les vins de colonisation israéliens à des produits originaires de l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid.
« De même que de nombreux consommateurs européens se sont opposés à l’achat de produits sud-africains pendant l’apartheid avant 1994, les consommateurs actuels peuvent s’opposer, pour des motifs similaires, à l’achat de produits provenant d’un pays donné », car, poursuit-il, « les politiques que ces consommateurs trouvent répréhensible ou même répugnantes », a écrit Gerard Hogan, avocat général à la Cour de justice des Communautés européennes.
Son raisonnement semble avoir convaincu les juges.
Affaire perdante
Une directive européenne de 2011 exige un étiquetage précis des produits afin de protéger le droit du consommateur à l’information, y compris l’origine du produit.
En 2015, l’UE a publié un « avis d’interprétation » exigeant que les produits fabriqués dans les colonies israéliennes situées en Cisjordanie et sur le plateau du Golan soient étiquetés comme provenant de telles colonies.
Le gouvernement français a ensuite publié un règlement en 2016 exigeant un tel étiquetage sur les produits en cause.
L’affaire devant le tribunal de l’Union européenne découle d’un effort visant à renverser la loi française.
Il a été apporté par le vignoble Psagot, une société de colonisation opérant sur des terres palestiniennes occupées et volées, et par l’Organisation Juive Européenne, un groupe de pression israélien.
Les responsables israéliens semblent avoir anticipé que la décision du tribunal leur serait défavorable. Ces derniers jours, des responsables anonymes ont reproché à Psagot d’avoir procédé avec ce qu’ils pensaient être une affaire perdante.
« Dans ce qui pourrait être décrit comme un jeu d’accusation anticipé, ces responsables avertissent que la Cour de justice européenne se prononcera probablement en faveur de la politique controversée en matière d’étiquetage, et que la poursuite intentée par Psagot, même si elle est juste, finira par se retourner contre elle » a rapporté le Times of Israel.
« La marge de manœuvre des pays européens diminuera après la décision », a déclaré un responsable israélien.
La décision du tribunal de l’UE fait suite à une décision similaire rendue par la Cour fédérale du Canada en juillet.
La Cour canadienne a statué que les vins produits dans les colonies sur des terres palestiniennes occupées en violation du droit international ne peuvent pas être étiquetés « Fabriqué en Israël ».
La Cour à Ottawa a conclu que les personnes qui souhaitent exprimer leurs opinions politiques dans leurs décisions d’achat « doivent recevoir des informations précises sur la source des produits en question ».
Application laxiste
En 2017, des responsables de l’UE ont reconnu en privé qu’il était « impossible » de distinguer de manière fiable les biens produits par Israël provenant de colonies.
Cela soulève des questions quant à l’efficacité avec laquelle une bureaucratie de l’UE et des États membres ne ménageront aucun effort pour que la décision de justice soit appliquée efficacement afin d’aider Israël et de le protéger de toute responsabilité.
En outre, le différend actuel ne concerne que la question de savoir comment étiqueter les marchandises et non pas de savoir si ces marchandises devraient être vendues en Europe ou dans d’autres pays.
Amnesty International et Human Rights Watch ont toutes deux documenté l’impact dévastateur des colonies de peuplement israéliennes sur la vie et les droits des Palestiniens, et ont appelé toutes les entreprises à cesser de travailler dans ou avec les colonies de peuplement.
Amnesty et d’autres ont demandé aux gouvernements d’interdire tout commerce de produits de colonisation, mais après des décennies d’inaction, les pays de l’UE doivent encore garantir un étiquetage approprié.
Néanmoins, la décision de mardi constituera un outil puissant pour que les citoyens de l’UE puissent continuer à faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils cessent de tirer profit de la complicité du système d’occupation, de l’apartheid et du colonialisme israéliens.
Article d’Ali Abunimah publié le 12 novembre 2019.
Source : The Electronic Intifada – Traduction : Collectif Palestine Vaincra