Aujourd’hui, il croupit peut-être dans une cellule israélienne mais, en 2012, les affiches du graphiste palestinien Hafez Omar enflammaient Internet. Sur Facebook en particulier, ses caricatures brunes, simples, iconiques et anonymes soutenant les prisonniers palestiniens détenus par Israël se diffusaient comme des feux follets. Les gens de tous les médias sociaux modifiaient leur photo de profil pour la remplacer par l’une ou l’autre des versions masculines ou féminines dessinées par Hafez Omar. Dans une interview de 2003, Omar expliquait que son travail s’inspirait d’une tradition palestinienne bien plus ancienne de l’affiche politique populaire. Cette tendance, remontant à bien des décennies, a toujours contribué à rallier et inspirer le peuple dans la résistance à Israël. C’est une méthode commune pour contribuer à la mobilisation de masse des gens dans bon nombre de sociétés du monde entier. À maints égards, le travail d’Omar était une extension digitale moderne de ce travail dans le royaume d’Internet. Dans cette interview, il expliquait comment il trouvait encourageant que des Palestiniens adoptent et impriment eux-mêmes ses affiches. « Je perçois cela comme un signe que je suis toujours avec les gens quand je les vois imprimer et utiliser les choses que je dessine. » Hafez Omar n’a rien d’un criminel, ni d’un « terroriste » ou d’un « extrémiste ». Il n’est même pas un combattant de la résistance. Le seul « crime » qu’il a commis est de s’être dressé pour les droits de son peuple, le peuple de Palestine. C’est pour cela qu’Israël le garde en détention sans procès depuis près d’un an. Les nervis de l’armée israélienne ont d’abord kidnappé Omar en mars de l’an dernier. Au cours de la procédure d’interrogatoire, les Israéliens ont demandé d’en savoir plus sur « ses travaux et publications artistiques sur les médias sociaux, particulièrement ceux qui soutiennent les droits des prisonniers palestiniens ». Il n’a été accusé d’aucune mauvaise action, hormis le « crime » d’avoir inspiré son peuple à résister à l’occupation israélienne.

Vies de prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes – Caricature [Arabi 21]

Selon Human Rights Watch, la feuille d’accusation – non valable – présentée par le Israéliens consistait « presque entièrement en activités pacifiques, telles que des rencontres avec d’autres activistes et la présence dans des manifestations, dont quelques-unes contre l’Autorité palestinienne ». Même les activités supposées « non pacifiques » dont on l’accuse seraient des « affrontements » non spécifiés remontant à quatre années ; on présume qu’il a « jeté des pierres contre les forces de sécurité [israéliennes] ». Toutefois, si Omar avait réellement fait tout cela, ses actes auraient été entièrement justifiés malgré tout. Même la résistance armée à l’occupation militaire illégale et répressive constitue un droit fondamental repris dans la législation internationale et, dans le cas présent, il ne s’agit encore que de quelques pierres ! Les militaires israéliens ont l’habitude de mentir, à ce propos, et d’inventer des charges contre les manifestants palestiniens. Tout cela est incroyablement bien renseigné et j’en ai fait moi-même l’expérience au milieu des années 2000, dans la région de Jérusalem, alors que je filmais une manifestation pacifique des Palestiniens contre les forces israéliennes d’occupation, qui se sont mises à tabasser et arrêter plusieurs participants, dont moi-même en tant que militant de la solidarité. Nous avons tous été entassés dans une camionnette et emmenés à un commissariat de police. En tant qu’Occidental nanti des privilèges accordés par le système raciste d’Israël, j’ai été relâché quelques heures plus tard sans la moindre accusation. Avant de m’en aller, la police israélienne m’a toutefois dit que nous avions tous été accusés d’avoir jeté des pierres. C’était un mensonge flagrant mais, de toute évidence, c’était dans la façon particulière d’énoncer ce mensonge que de telles inventions étaient la routine dans la dictature militaire raciste et l’apartheid imposés aux Palestiniens en Cisjordnaie occupée. Mon opinion est que Hafez Omar n’est coupable d’aucun délit. Il est détenu depuis près d’un an par la dictature israélienne tout simplement parce que l’État d’occupation considère que l’existence même du peuple palestinien autochtone est un crime contre son projet raciste d’implantation de colonies alimenté par cette idéologie pernicieuse qu’est le sionisme. Cette semaine, près d’un an après l’arrestation de Hafez Omar, l’on ne peut plus illégale « cour » militaire d’occupation israélienne à Ofer a condamné Omar à un an d’emprisonnement. En d’autres termes, les Israéliens l’ont arrêté puis ont élaboré les accusations au fur et à mesure qu’il était en prison. Le système israélien des « cours » militaires en Cisjordanie est un système raciste utilisé uniquement contre les Palestiniens, et non contre les colons juifs. Le système présente un taux de condamnation de 99,7 pour 100, au même titre que les pires des tribunaux irréguliers. Et, rappelez-vous, ces « cours » fonctionnent dans ce qui est supposé être « la seule démocratie du Moyen-Orient », un État qu’on nous oblige par toutes sortes d’intimidations à soutenir inconditionnellement sous peine d’être accusé d’antisémitisme. Vraiment, ça ne prend pas ! Espérons que Hafez Omar sera vraiment relâché. Cependant, comme tous les Palestiniens kidnappés par la dictature militaire d’Israël, il existe une menace réelle de le voir réarrêté presque aussitôt sur des accusations montées de toutes pièces de la même manière. Voilà comment Israël fonctionne. La députée palestinienne et activiste des droits des femmes, Khalida Jarrar, par exemple, entre et sort de prison depuis des années et, pour l’instant, une fois de plus, elle est détenue sans accusation ni procès dans le cadre de cet infâme système qu’est la « détention administrative ». C’est une imposture que de prétendre qu’Israël est une démocratie, alors que sa politique et ses pratiques prouvent exactement le contraire. L’État d’Israël est une dictature militaire raciste qui refuse leurs droits les plus élémentaires aux habitants autochtones de la Palestine.

En tant que tel, Hafez Omar — l’artiste palestinien emprisonné pour avoir inspiré son peuple – ne doit pas rester le seul qui s’insurge ; nous tous, nous devons défier Israël et résister à son occupation violente.

 

Asa Winstanley, paru initialement le 29 février sur Middle East Monitor

 

Source : Charleroi pour la Palestine