Dans le magma de films et séries proposés en ces temps de confinement, nous avions, nous aussi, envie de vous soumettre quelques bobines cinématographiques pour occuper vos soirées. Alors chaque dimanche, jusqu’à la fin du confinement, nous vous proposons un film palestinien ou lié à la Palestine et à son histoire.
Le 15 mai prochain, les Palestinien·ne·s et leurs soutiens commémorent les 72 ans de la « Nakba », la catastrophe en arabe. Nous aurons l’occasion d’y revenir, notamment à travers la « Semaine de lutte palestinienne » lancée par Samidoun, le réseau de solidarité avec les prisonnier·e·s palestinien·ne·s dont le Collectif Palestine Vaincra fait partie. En attendant, nous consacrons notre quatrième Bobine palestinienne à cet événement majeur de l’histoire palestinienne et plus généralement du Moyen-Orient qui débute suite au Plan de partage de l’ONU à la fin de l’année 1947 et s’étalera jusqu’à la « guerre israélo-arabe » qui éclate le 15 mai 1948 dans la foulée de la naissance d’Israël.
Sans rétro-pédaler trop loin dans l’histoire et sur la mise en place du projet sioniste de colonisation de la Palestine dès la fin du XIXème siècle, retenons la date du 27 novembre 1947, date à laquelle l’ONU vote le « Plan de partage » (résolution 181) qui divise la Palestine entre Juifs/Juives et Palestinien·ne·s. Cette résolution dessine les contours du futur Etat sioniste qui voit ses terres décupler, passant d’un peu moins d’un tiers à 55%. Les Palestinien·ne·s qui sont deux fois plus nombreux/euses (1,2 million environ pour 600 000 juifs/juives) voit leur territoire passer de 60% à 45%. Depuis plusieurs années des milices sionistes avaient préparé le terrain et passe à l’action dans le but d’appliquer ce plan de partage. En quelques semaines, les Palestinien·ne·s seront chassé·e·s, assassiné·e·s et de nombreux villages rasés pour ce qui sera bien plus tard reconnu comme un nettoyage ethnique. Le bilan est lourd : plus de 500 villages sont en ruines, on dénombre plus de 15 000 mort·e·s palestinien·ne·s et environ 800 000 Palestinien·ne·s ont quitté leurs terres, chassé·e·s par les milices, pour rejoindre les pays voisins, au Liban, en Jordanie, en Syrie notamment. La majorité des ces expulsé·e·s se rassembleront dans les camps de réfugié·e·s. Aujourd’hui, il en existe 58 à travers le Moyen-Orient. Les conditions de vie de ces réfugié·e·s varient d’un pays à l’autre (Cf. Bobine palestinienne #3) mais leur dénominateur commun réside dans le droit au retour qu’ils/elles exigent depuis plus de 70 ans.
La Nakba n’a pas seulement été le moyen de prendre leurs terres aux Palestinien·e·s. Plus encore, il s’est agit de leur prendre leur histoire. Pendant de longues décennies, l’occupation israélienne a tenté de cacher cette histoire. Par l’effacement tout d’abord, via le nettoyage ethnique, le pillage et la destruction des villages et par la réappropriation et la réécriture de l’histoire de la Palestine. Dès l’arrivée des premiers colons, il a fallu montrer au monde et aux potentiels futurs colons, une terre qui se calquait au projet sioniste animé par la fameuse phrase reprise par le théoricien du sionisme Israel Zangwill : une terre sans peuple pour un peuple sans terre.1 C’était sans compter sur la résistance des Palestinien·ne·s contre l’effacement de leur histoire. La mémoire de la Nakba a été et reste le vecteur de transmission de cette histoire, de génération en génération. Elle concerne aujourd’hui près de six millions de Palestinien·ne·s qui constituent la diaspora et presque autant en Palestine.
En croisant l’histoire du sionisme et celle de la Palestine « La terre parle arabe », film documentaire de Maryse Gargour, s’inscrit dans cette résistance à la réécriture historique. En voici le synopsis :
À la fin du XIXe siècle, le Sionisme, un mouvement politique minoritaire, apparaît sur la scène internationale. Il reprend à son compte l’idée de créer un état juif quelque part dans le monde, de préférence en Palestine. Or, à cette époque et depuis des millénaires, « cette terre parle arabe », la Palestine est habitée par les Palestiniens. Comment les leaders sionistes vont-ils concilier leurs ambitions politiques avec la réalité palestinienne de la fin du XIXe siècle ? La solution est prévue bien avant la déclaration Balfour de 1917. Les sionistes élaborent des plans, puis les mettent en œuvre en organisant le transfert des Palestiniens hors de leur terre. Tous les moyens seront utilisés, surtout la force. Basé sur des citations de leaders sionistes, des archives audiovisuelles inédites, la presse de l’époque, des documents officiels, des interviews d’historiens et des témoignages de Palestiniens antérieurs à 1948, ce film jette une lumière crue sur une vérité brûlante, celle du nettoyage de la terre palestinienne par les sionistes.
La terre parle arabe, un film de de Maryse Gargour, 2007, 61 minutes
1 Nous reviendrons sur la réécriture de l’histoire par le sionisme lors de la prochaine bobine palestinienne.