Samedi 20 novembre à Copenhague au Danemark, le Collectif Palestine Vaincra participait au 50e anniversaire de l’organisation anti-impérialiste Internationalt Forum aux côtés de différentes délégations des Philippines, des Pays-Bas, de l’Etat espagnol, de Suède, du Groenland et d’Angleterre. Nous reproduisons ci-dessous l’intervention faite à cette occasion qui développe le sens de notre solidarité avec la résistance palestinienne.

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Merci à l’Internationalt Forum pour son invitation à ce meeting. Nous l’avons immédiatement accepté tant nous apprécions son important travail de soutien à la Palestine et au boycott de l’occupation sioniste depuis toutes ces années. Merci également aux différents intervenants invités, notamment Palestine Action à qui nous réitérons notre entière solidarité face à la répression. Je parle au nom du Collectif Palestine Vaincra, une organisation de soutien à la résistance palestinienne basée à Toulouse en France qui est membre du réseau international Samidoun et qui est partie prenante de Masar Badil, le mouvement alternatif pour la voie révolutionnaire palestinienne. Notre collectif a été fondé en mars 2019 suite à un travail d’une dizaine d’années en soutien au peuple palestinien et à sa résistance. Nous avons l’immense plaisir d’avoir comme membres d’honneur Georges Abdallah, communiste arabe emprisonné en France, et Leila Khaled, icône de la résistance palestinienne.

 

Soutenir la Palestine : un combat anti-impérialiste

 

Notre fondation a été motivée par un constat simple. En France, le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien est largement dominé par une approche humaniste reconnaissant la légitimité de l’Etat sioniste et s’inscrivant dans la voie capitularde du processus d’Oslo.

Notre organisation s’est inscrite en rupture avec cette tendance majoritaire en adoptant une approche anti-impérialiste et anticolonialiste de la situation en Palestine. Israël n’est pas un État comme les autres, c’est le poste avancé des puissances impérialistes dans cette région du monde basé sur une colonisation de peuplement et le nettoyage ethnique du peuple palestinien. Joe Biden, l’actuel président des États-Unis d’Amérique, l’a d’ailleurs affirmé avec une grande clarté en déclarant « S’il n’y avait pas d’Israël, les États-Unis devrait inventer un Israël pour protéger ses intérêts dans la région ».

C’est évidemment le cas pour l’ensemble des puissances impérialistes du monde qui voient en l’Etat sioniste un allié fiable et fidèle. En particulier, l’impérialisme français qui joue un rôle clef dans la colonisation de la Palestine : des accords Sykes-Picot en 1916 qui prévoit le partage impérialiste de la région entre la France et la Grande Bretagne au vote du plan de partage à l’ONU en 1947 en passant par la fourniture du nucléaire dans les années 60 jusqu’aujourd’hui à travers de nombreux accords économiques et militaires.

Comprendre cela c’est comprendre que soutenir la Palestine ce n’est pas simplement soutenir le peuple palestinien dans son combat légitime pour la justice, la dignité et sa libération mais c’est aussi nous soutenir nous-mêmes dans notre lutte contre notre propre impérialisme. Car c’est au nom de la défense des intérêts impérialistes dans cette région, d’abord britanniques puis occidentaux en général et états-unien en particulier, que le peuple palestinien est la cible d’une colonisation brutale depuis maintenant 104 ans.

Comprendre cela c’est aussi comprendre que le peuple palestinien ne fait pas seulement face à l’État sioniste mais aussi aux puissances impérialistes et aux régimes réactionnaires arabes à sa solde, comme l’Égypte ou la Jordanie. Le mouvement pour la libération de la Palestine a donc une dimension palestinienne, arabe et internationale à travers lesquelles nous avons chacun des responsabilités non pas dans un soutien humaniste mais dans l’entraide dans le combat commun, un combat anti-impérialiste. Car la libération de la Palestine est un levier important pour la révolution arabe et la lutte contre les puissances impérialistes occidentales. C’est en cela que la défense de la cause palestinienne est un enjeu central.

 

Affirmer une ligne claire pour la libération de la Palestine

 

Dans ce cadre et avec cette approche, notre Collectif Palestine Vaincra s’est constitué autour de l’affirmation des principes énoncés par la révolution palestinienne dès les années 60 en particulier la défense de la perspective d’une Palestine libre et démocratique de la mer au Jourdain et le droit inaliénable au retour pour tou·te·s les réfugié·e·s palestinien·ne·s expulsé·e·s de leur terre.

L’un de nos principes est donc d’affirmer avec force et sans ambiguïté l’illégitimité de l’État sioniste et la nécessité de son démantèlement. Comme l’a souligné le révolutionnaire palestinien Georges Habache en 1974 : « Un jour, la vérité sera claire pour tous, qu’il n’y a pas de paix dans la région avec l’existence d’un État fasciste et raciste basé sur une doctrine réactionnaire et dans le but de servir l’intérêt impérialiste. Le slogan d’une société démocratique en Palestine, lancé par la révolution palestinienne, est la seule voie vers la liberté et le progrès pour l’ensemble des peuples de la région, y compris les Juifs, et c’est la voie vers une paix permanente et durable. » Cette exigence passe par l’explication de la réelle nature du mouvement sioniste, un mouvement colonial et raciste, et la réelle nature de cet État qui n’est autre que l’une des dernières colonisations de peuplement de la planète. L’ensemble de notre pratique et de notre ligne politique est donc tournée vers cet objectif.

Porter cette exigence c’est donc affirmer la légitimité de la résistance palestinienne sous toutes ses formes pour y faire face. C’est un principe défendu par le droit international, notamment la résolution 37/43 de l’ONU adoptée en 1982, mais c’est surtout et d’abord un principe politique anticolonialiste. Oui le peuple palestinien a le droit à la résistance face à la colonisation, l’occupation et  l’apartheid ! Il existe une vaste opération internationale de délégitimation de la résistance palestinienne et de ses organisations qui consiste à qualifier ces dernières de « terroristes ». Dans cette perspective et face à la répression du peuple palestinien, nous estimons que le soutien aux prisonnier·e·s palestinien·ne·s et leur libération immédiate est un enjeu central. Ils représentent la première ligne de la résistance contre l’occupation sioniste et ils sont l’objet d’une importante campagne de criminalisation afin de les isoler de leur peuple et du soutien international. Soutenir les prisonnier·e·s palestinien·ne·s n’est donc pas simplement soutenir une exigence de justice, même si ça en fait partie, mais c’est d’abord le soutien à des combattant·e·s de la liberté et à la légitimité de leur combat. Georges Abdallah, Ahmad Sa’adat, Khitam Saafin, Naël Bargouthi, Walid Daqqa et l’ensemble des 4650 prisonnières et prisonniers palestiniens ne sont pas des « terroristes », ce sont des résistant·e·s !

C’est également autour de l’objectif de la libération de la Palestine de la mer au Jourdain que nous défendons le droit inaliénable au retour des réfugié·e·s palestinien·ne·s sur leur terre. Aujourd’hui, défendre le droit au retour pour les réfugié·e·s dans le camp d’Ein el Helweh au Liban jusqu’aux communautés palestiniennes en Europe c’est combattre le crime fondateur, la création de l’État sioniste. C’est combattre la Nakba qui perdure encore aujourd’hui, de l’expulsion de 800 000 Palestinien·ne·s de leur terre en 1948 au nettoyage ethnique dans les quartiers de Sheikh Jarrah et Silwan à Al Qods aujourd’hui.

Et c’est aussi pour cela que nous faisons la promotion du boycott total de l’État sioniste, de ses institutions et de ses soutiens. Un boycott qui n’entend pas se substituer à la résistance palestinienne ou à s’enfermer dans le cadre du prétendu « droit international » qui reconnaît la légitimité de l’occupation sioniste sur la majorité de la terre palestinienne mais un boycott comme un outil pour isoler et délégitimer l’apartheid israélien. Un boycott au service de la résistance palestinienne dans la tradition du boycott palestinien, arabe et international qui existe depuis près d’un siècle : du boycott des produits des premiers colons sionistes dans les années 20 en passant par le boycott de l’économie de l’occupation durant la Grande Intifada de 1987.

 

Une pratique tournée vers ces objectifs

 

Comme nous le disions au début, le Collectif Palestine Vaincra est le fruit de 10 ans de travail en faveur du soutien à la Palestine. L’élaboration de cette ligne politique est donc d’abord le fruit de rencontres, en premier lieu desquelles celle avec Georges Ibrahim Abdallah. Communiste libanais et combattant de la résistance, il est emprisonné depuis 37 ans dans une prison non loin de Toulouse. C’est d’abord à travers notre engagement pour sa libération que nous avons développé une nouvelle approche du soutien à la Palestine, en profonde rupture avec les courants qui dominent la scène militante française. Lors de nos rencontres mensuelles depuis de nombreuses années, nous avons été à son école politique et militante. C’est d’abord à ses côtés que nous avons découvert et rencontré l’histoire et l’héritage immense de la résistance palestinienne en général et de la gauche palestinienne en particulier.

Mais l’élaboration de cette ligne c’est aussi faite à travers une pratique militante au contact de la réalité d’aujourd’hui. En effet, porter ces revendications n’auraient pas de sens si elles n’étaient pas incarnées dans une pratique cohérente et conséquente. C’est le pari que nous essayons de mener avec le Collectif Palestine Vaincra. Notre objectif est de normaliser ces revendications dans l’espace politique, en particulier au sens des mouvements de gauche, et de les porter au quotidien auprès des habitant·e·s de Toulouse. La situation est difficile mais nous arrivons à développer notre influence de manière significative et à organiser peu à peu de nouvelles personnes, en particulier des jeunes.

Chaque mois, nous tenons au moins un stand d’information et de mobilisation au cœur du centre-ville et dans un quartier populaire. Ces espaces deviennent des points de rencontres, de formations et de discussions avec des centaines de personnes. L’occasion de brandir haut le drapeau de la Palestine et de réaffirmer la légitimité et l’actualité de sa cause dans l’espace public. Mais c’est aussi un espace de confrontation tant notre simple présence suscite de vives hostilités de la part des différentes organisations de soutien à l’extrême droite sioniste.

Un volet secondaire mais néanmoins important de notre travail est l’élaboration de campagnes médiatiques, d’agitation et de propagande à travers les outils de communication comme la vidéo, le graphisme ou les réseaux sociaux. Il s’agit ici d’allier le travail de terrain à celui de l’information et de la propagande en ligne et de créer un large spectre de visibilité pour faciliter les rencontres avec le collectif.

Une des activités centrales de notre collectif est bien sur la campagne pour la libération de Georges Abdallah. Nous soutenons sa libération non pas comme seulement celle d’un individu mais d’abord parce que Georges Abdallah incarne une alternative résolument anti-impérialiste pour les peuples palestinien et libanais. Chaque mois d’octobre, nous menons un large travail de sensibilisation en diffusant des dizaines de milliers de flyers et en organisant le déplacement d’une importante délégation à la manifestation annuelle devant la prison de Lannemezan où il est enfermé. Cette année, cette campagne a passé un seuil qualitatif et quantitatif important notamment en regroupant plus de 1000 personnes lors de cette marche dynamique et combative.

Nous menons aussi des campagnes de terrain sur des revendications immédiates, notamment les différentes campagnes de boycott d’Israël. Par exemple, nous avons mené une campagne pour la fin du jumelage entre Toulouse et Tel Aviv lors des précédentes élections municipales. Alors que ce sujet était passé sous silence depuis de nombreuses années, nous avons réussi à en faire un thème du débat politique de cette échéance avec la signature d’une pétition par plus de 5000 habitant·e·s de la ville, des actions et activités régulières, l’interpellation systématique des différent·e·s candidat·e·s. De nouveaux élu·e·s municipaux d’opposition ont d’ailleurs soutenu publiquement notre campagne tandis que le maire de la ville a multiplié les insultes et les amalgames contre nous.

Nous participons également activement aux campagnes du réseau international Samidoun, en particulier en soutien à Ahmad Sa’adat ou encore aux étudiants palestiniens emprisonnés. Au même titre que notre solidarité avec Georges Abdallah, ces campagnes de solidarité sont des outils pour construire des liens de solidarité avec les Palestiniens en Palestine occupée et incarner la voie de la résistance ici et maintenant. Ce réseau palestinien, arabe et international regroupe différentes sections et organisations affiliées, comme notre collectif, dans de nombreux pays notamment en Palestine, dans plusieurs pays européens, en Amérique du Nord, au Brésil ou encore en Iran. Il joue un rôle significatif dans le soutien aux prisonniers palestiniens et nous pouvons que vous inviter à le rejoindre.

 

Faire face à la répression

 

Mais porter une telle ligne et une telle pratique provoque évidemment de vives réactions de la part des autorités françaises mais surtout de la part des organisations sionistes et des soutiens d’Israël. Depuis sa création, notre collectif fait face à une campagne d’intimidations et de pressions de la part des autorités et du lobby sioniste. Ce n’est évidemment pas un cas isolé.

Nous avons vu ces dernières années différents procès contre les militants qui soutenaient le boycott d’Israël en France, encore récemment avec le procès qui oppose la présidente d’Europalestine Olivia Zémor avec la firme pharmaceutique israélienne Teva. Procès que la militante pro-palestinienne a gagné en première instance. Ces procès ont lieu malgré la condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme du gouvernement français pour entrave à la liberté d’expression. Mais le gouvernement français persiste et signe dans sa volonté de criminaliser le boycott d’Israël notamment à travers une récente circulaire du ministre de la Justice.

Un autre outil de la politique de répression des partisans de la Palestine est l’ignoble manœuvre politicienne d’amalgamer l’antisionisme et l’antisémitisme. Cela a lieu notamment à travers l’adoption de la nouvelle définition de l’antisémitisme de l’IHRA qui associe dans ses exemples la remise en cause du projet sioniste comme une forme d’antisémitisme. Des résolutions soutenant cette définition ont été adoptées en France par l’Assemblée Nationale, le Sénat ou encore la ville de Paris.

Avec la classification comme « organisation terroriste » de Samidoun et du Collectif Palestine Vaincra par l’occupation israélienne en février dernier, nous avons franchi une nouvelle étape. Évidemment l’objectif principal est de tenter d’intimider et d’isoler les organisations qui sont touchées par ce type de désignation. C’est encore plus évident aujourd’hui quand on voit que 6 ONG palestiniennes viennent de subir le même type d’attaque. En France, les conséquences suite à cette désignation ont été rapides avec le lancement d’une campagne de NGO Monitor pour notre dissolution, campagne qui a été relayée par un député de la majorité présidentielle qui a adressé une demande officielle pour notre dissolution au Ministère de l’intérieur. Évidemment, c’est encore sans comparaison avec les attaques dont est la cible Palestine Action. Néanmoins c’est préoccupant de voir comment la criminalisation du soutien à la Palestine s’intensifie en France, y compris contre simplement un discours antisioniste et anti-impérialiste et des campagnes de sensibilisation.

Face à cela, nous pensons qu’il est nécessaire de construire un large front uni face à la répression. C’est ce que nous avons réussi à porter en France suite à ces menaces lorsque l’ensemble des principales organisations de gauche et du mouvement syndical au niveau national ont publié un communiqué de soutien à notre collectif. Cela démontre que leur stratégie de nous isoler est non seulement un échec mais cela provoque l’effet contraire. Mais une chose est sure, nous sommes plus que jamais déterminés à continuer de soutenir la résistance palestinienne jusqu’au retour et la libération de la Palestine de la mer au Jourdain. Et ces rencontres sont d’une importance capitale pour construire et renforcer le mouvement anti-impérialiste à travers le monde.

 

A bas l’impérialisme et le sionisme !

De la mer au Jourdain, la Palestine sera libre !