À l’occasion de la cérémonie pour le 78e anniversaire de la Libération de la ville, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc a prononcé un discours le 19 août dernier. Dans celui-ci, il rend hommage à Mgr Jules Saliège qui avait rédigé une lettre en août 1942 afin d’appeler les chrétiens de son diocèse à se mobiliser pour leurs « frères » juifs à une époque où l’Allemagne nazie organisait le génocide des Juifs avec le soutien politique et matériel de la France de Vichy. Un texte puissant qui résonne encore aujourd’hui face au développement de l’extrême droite, des actes racistes, des discours suprémacistes et du racisme d’Etat.
Alors que les commémorations liées à l’occupation nazie et au génocide de 6 millions de Juifs devraient inviter au recueillement et à la mémoire, Jean-Luc Moudenc se vautre dans un discours politicien instrumentalisant le nécessaire combat contre l’antisémitisme.
Celui-ci affirme notamment que l’antisémitisme d’aujourd’hui « se confond parfois avec l’anti sionisme ; il suinte dans les discours les plus haineux prônant la délégitimation de l’Etat d’Israël ». Etonnamment, nous découvrons que le maire de Toulouse est capable de comprendre que l’antisionisme n’est que « parfois » de l’antisémitisme. Même s’il est évident que des antisémites notoires instrumentalisent la notion d’antisionisme, comme le militant d’extrême droite Alain Soral, c’est un procédé malhonnête de considérer l’antisionisme comme un nouvel antisémitisme. En effet, l’antisionisme est un mouvement qui est né en opposition à l’émergence du sionisme, une idéologie coloniale et raciste fondée au XIXᵉ siècle en Europe. L’antisionisme est donc un engagement contre un projet de colonisation de peuplement en Palestine qui prétend se réaliser en confisquant et dénaturant l’histoire juive. L’antisionisme est aussi une proposition politique faite aux Juifs du monde dont la mémoire et les identités sont instrumentalisées pour justifier un projet politique profondément réactionnaire. Comme le disait déjà le Réseau International Juif Antisioniste – IJAN dans sa charte fondatrice : « nous protestons contre l’exploitation et l’avilissement par le sionisme des histoires de persécution et de génocide juifs pour justifier l’injustifiable – la colonisation de la Palestine et le nettoyage ethnique des Palestiniens, le vol de leurs terres et la destruction de leurs familles, de leurs communautés et de leur mode de vie. »
Par ailleurs, le maire de Toulouse veut assimiler « la délégitimation de l’Etat d’Israël » à une forme moderne d’antisémitisme. Cela démontre la fébrilité des partisans de la colonisation sioniste face au mouvement croissant pour la justice en Palestine. Aux antipodes de ces allégations, le mouvement de « délégitimation » de l’occupation israélienne et de l’apartheid est au contraire une proposition anticolonialiste conséquente. Au même titre que les États-Unis ou le Canada, Israël est une colonisation de peuplement. S’opposer à leur légitimité en tant que structure c’est s’opposer à un projet politique. À ce sujet, l’écrivain et militant palestinien Khaled Barakat souligne : « Pour les Palestiniens, reconnaître « le droit d’Israël à exister » n’est pas seulement une trahison mais c’est un effacement de notre vérité, de notre histoire et de notre lutte. C’est une justification de la Nakba et des crimes contre notre peuple. Les États n’ont pas le « droit d’exister ». Seuls les peuples possèdent ce droit. Les peuples ont le droit de vivre, mais pas les États, pas les systèmes politiques et surtout pas les projets coloniaux et les régimes d’apartheid. Ce que cela suggère également, c’est qu’il est impossible d’envisager une alternative à Israël. Et ce que nous disons, c’est que l’alternative à Israël est en effet possible : une Palestine [libre], une société démocratique et laïque. […] Les Palestiniens seront victorieux non seulement en mettant fin à l’existence de la colonisation et de l’apartheid en Palestine, mais aussi en offrant une véritable alternative à tous les habitants de Palestine, leur permettant de vivre sur un pied d’égalité, quels que soient leur religion, leur couleur, leur sexe, leur orientation sexuelle, etc. »
Le maire de Toulouse utilise le même procédé que le lobby pro-israélien qui essaye de réduire au silence toute proposition d’alternative à l’occupation israélienne en la désignant comme « antisémite ». Pour servir des objectifs politiciens, c’est un procédé abject qui instrumentalise le nécessaire combat contre l’antisémitisme. Néanmoins, cette prise de position de la majorité municipale n’est pas une surprise. Jean-Luc Moudenc s’est constamment illustré en soutien à la droite israélienne : criminalisation du boycott d’Israël, soutien à la politique liberticide de Darmanin dans sa volonté de dissoudre le Collectif Palestine Vaincra, dénonciation du rapport d’Amnesty International sur l’apartheid israélien, etc.
Contre ces attaques politiciennes, le Collectif Palestine Vaincra réaffirme que le mouvement de solidarité pour une Palestine libre et démocratique de la mer au Jourdain est plus que jamais présent à Toulouse et qu’il est partie intégrante d’un combat plus large contre tous les colonialismes et tous les racismes !