Le Collectif Palestine Vaincra, Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network, AFPS, ATL Jénine et d’autres se sont joints à de nombreuses organisations du monde entier pour signer cette déclaration collective de soutien aux prisonniers palestiniens pour la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien initiée par Addameer : 

 

En cette Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, Addameer appelle la communauté internationale à manifester son soutien aux prisonniers politiques palestiniens, à la fois directement avec les actions du Mouvement des prisonniers palestiniens, mais aussi en exigeant la fin des politiques et pratiques arbitraires des autorités d’occupation israéliennes en matière de privation de liberté ; de détention administrative, de conditions de détention inhumaines et de répression du militantisme de la société civile, qui servent toutes à construire et à maintenir le régime d’apartheid israélien.

L’année 2022 a été la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie occupée depuis 2015. Selon le ministère palestinien de la Santé, les forces d’occupation israéliennes ont tué plus de 200 Palestiniens jusqu’à présent – dont 51 enfants, la plupart tués par les forces israéliennes ou des colons armés en Cisjordanie occupée. Dans le même temps, en août 2022, Israël a lancé une nouvelle agression contre les Palestiniens de la bande de Gaza, au cours de laquelle 49 Palestiniens, dont 17 enfants, ont été tués, et 335 autres ont été blessés.

Alors que les récentes élections israéliennes ont enregistré un basculement vers l’extrême droite et que le ciblage des militants et des manifestants pacifiques a considérablement augmenté, les conditions des prisonniers palestiniens reflètent celles du terrain. Actuellement, 4760 prisonniers politiques palestiniens sont détenus dans les prisons d’occupation israéliennes, dont 160 enfants et 33 femmes. Sur ce nombre, 820 sont des détenus administratifs, détenus sans charge ni procès sur la base d’« informations secrètes » non divulguées, dont quatre enfants et trois femmes.

Au cours des deux dernières années, Addameer a documenté une augmentation significative et rapide de l’utilisation par Israël de la détention administrative, non seulement comme un outil pour étouffer la résistance civile légitime et le travail civique contre le régime colonial et d’apartheid israélien, mais aussi comme une forme de contrôle et d’intimidation du peuple palestinien dans son ensemble. De l’intérieur des prisons, les prisonniers politiques et les détenus palestiniens ont utilisé les outils à leur disposition pour se mobiliser contre la discrimination systémique et la violation de leurs droits fondamentaux, en s’engageant dans des grèves de la faim individuelles et collectives, en s’abstenant de se soigner et en boycottant collectivement les tribunaux militaires.

Récemment, des organisations internationales de défense des droits de l’homme de renom, dont Amnesty International et Human Rights Watch, se sont appuyées sur le travail et les recherches de la société civile palestinienne pour reconnaître que les politiques et pratiques de domination, de fragmentation et d’oppression d’Israël à l’encontre des Palestiniens équivalent à de l’apartheid. Le droit pénal international définit l’apartheid comme un crime contre l’humanité commis par des actes inhumains « dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial » avec l’intention de maintenir un tel régime. L’établissement par Israël d’un double corpus de loi régissant de manière discriminatoire les personnes en fonction de leur nationalité, et l’application inégale de la détention administrative, par laquelle des milliers de Palestiniens ont été incarcérés pour des délits de sécurité par rapport à une « poignée » d’Israéliens, ont été soulignés par Human Rights Watch comme une modalité spécifique de son régime d’apartheid.

 

La détention administrative et le mouvement des prisonniers palestiniens

 

La détention administrative, une pratique coloniale utilisée pour la première fois par le Mandat britannique et réappropriée par le régime israélien, consiste à emprisonner pour une durée indéterminée, sans procès ni inculpation, des individus dont Israël estime qu’ils pourraient représenter un futur « risque pour la sécurité de la région ». La décision est prise sur la base d’« informations secrètes », qui ne sont communiquées ni au détenu ni à son avocat. La structure inhérente des tribunaux militaires israéliens, dans lesquels des officiers militaires israéliens font office de juge et de procureur, statuant selon les ordres militaires israéliens émis par le commandant militaire israélien, exclut toute indépendance et impartialité, violant ainsi l’essence même des garanties d’un procès équitable. Il est donc impossible d’organiser une défense. Une personne peut être initialement détenue pendant six mois ; toutefois, cet ordre peut être prolongé indéfiniment. Les détenus n’ont donc aucune idée de la date à laquelle ils seront libérés, ce qui constitue un lourd fardeau psychologique pour eux et leurs familles.

En dépit de sa violation flagrante des normes de procès équitable, Israël agit en toute impunité et utilise sans discernement la détention administrative, ciblant les étudiants, les anciens prisonniers, les enfants et les personnes vulnérables. L’année 2021 a vu une augmentation de 1 695 ordres de détention administrative, concentrés en mai et juin, dans le cadre de la campagne israélienne d’arrestations arbitraires massives suite à l’escalade de l’agression contre le peuple palestinien dans les territoires occupés. Rien que le 12 mai 2021, les domiciles de près de 60 Palestiniens, un groupe constitué de journalistes, de miltants et de candidats au Conseil législatif palestinien, ont été perquisitionnés et arrêtés – 25 membres de ce groupe ont été transférés en détention administrative. Entre janvier et octobre 2022, les autorités d’occupation israéliennes ont émis environ 1 789 ordres de détention administrative, dépassant déjà le nombre d’ordres de l’année dernière. De plus, Israël renouvelle de plus en plus les ordres de détention comme méthode de répresion, s’assurant ainsi que les prisonniers restent détenus ; entre juin et octobre 2022, il y a eu 628 ordres de renouvellement et 452 nouveaux ordres.

En janvier 2022, tous les détenus administratifs palestiniens, environ 500 à l’époque, ont lancé un boycott collectif du système judiciaire militaire israélien. Les détenus ont refusé de participer aux procédures des tribunaux militaires à tous les niveaux, et leurs conseillers juridiques ne se sont pas présentés en leur nom. Le boycott demandait la fin de la détention administrative. Officiellement, le boycott collectif des tribunaux militaires a pris fin en juillet 2022. Cependant, de nombreux détenus poursuivent leur boycott, soulignant le manque de confiance dans toute procédure judiciaire et les garanties de procès équitable dans le système judiciaire israélien. Les juges militaires israéliens refusant de reconnaître la protestation, les audiences des tribunaux militaires et les examens judiciaires des ordres de détention administrative continuent de se tenir en l’absence des détenus.

Les grèves de la faim sont utilisées depuis longtemps comme un moyen pacifique et légitime de réclamer des droits fondamentaux. En 2021, Addameer a recensé un nombre croissant de 60 détenus ayant entamé des grèves de la faim, dont beaucoup ont subi des conséquences permanentes sur leur santé ou ont vu leur vie menacée. En août de cette année, le détenu palestinien Khalil Awadeh a mis fin à sa grève de la faim de 172 jours. Le mois suivant, 30 détenus, dont l’avocat des droits de l’homme franco-palestinien Salah Hamouri, ont entamé une grève de la faim ouverte pour protester contre la détention administrative. La grève de la faim a été suspendue en octobre, à la suite d’un accord avec les autorités d’occupation israéliennes visant à donner la priorité aux discussions sur la détention administrative et à libérer les détenus âgés et malades d’ici la fin de l’année. Ces dernières n’ont pas encore donné suite à cette promesse.

 

Méthodes d’oppression des prisonniers palestiniens

 

Toute résistance de la part du Mouvement des prisonniers palestiniens se heurte à un appareil brutal de politique illégale, systématiquement manié avec une impunité absolue pour étouffer les esprits palestiniens en prison. Si la détention administrative est l’une des politiques les plus injustes d’Israël, elle n’est qu’un des procédés cruels infligés aux prisonniers palestiniens. Une fois arrêtés, les détenus sont régulièrement soumis à la torture physique, positionnelle et psychologique, une pratique effectivement légalisée par laquelle la « pression physique » est autorisée dans les situations de « nécessité ». Les coups, l’isolement cellulaire et la privation de sommeil sont également utilisés. Ces pratiques sont régulièrement occultées par la complicité des professionnels de la santé et des tribunaux militaires, un point documenté par Addameer dans son rapport Cellule n°26 de cette année.

La torture et les mauvais traitements infligés aux prisonniers palestiniens ne se limitent pas aux interrogatoires et constituent une menace qui pèse sur les prisonniers tout au long de leur incarcération. Les raids sur les prisons sont bien documentés et utilisés comme une forme de punition collective par les services pénitentiaires israéliens (« IPS »). Ils exploitent systématiquement toute excuse pour déployer des forces spéciales dans les prisons afin d’attaquer et de harceler les prisonniers et les détenus palestiniens. En septembre 2021, six prisonniers palestiniens se sont échappés de la prison de haute sécurité de Gilboa. Les détenus évadés ont finalement été placés en détention provisoire, mais pas avant que l’IPS ne se lance dans une campagne de punition collective contre tous les Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. 350 prisonniers ont été transférés vers des lieux inconnus (en dépit du fait que le transfert forcé illégal de personnes protégées d’un territoire occupé vers l’État occupant constitue une déportation illégale en violation du droit international). Un verrouillage de toutes les prisons et de tous les centres de détention a été mis en place, empêchant les prisonniers d’avoir accès à des avocats et à des visites de leur famille, en plus de mener des raids violents.

 

Désignation d’Addameer comme organisation « terroriste »

 

En outre, Israël a employé de nouvelles méthodes pour restreindre ceux qui agissent pour défendre les droits des Palestiniens. Le 19 octobre 2021, Addameer, ainsi que cinq autres organisations de la société civile palestinienne, ont été désignées comme des organisations « terroristes » par le ministre israélien de la « Défense ». Les bureaux des six organisations basées dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ont été perquisitionnés par les forces d’occupation israéliennes l’année suivante. Cette désignation, qui a un impact profond sur la sécurité du personnel et des utilisateurs des organisations, est le dernier événement en date de la répression israélienne de l’espace civique palestinien et de la campagne ciblée visant à faire taire les voix palestiniennes. Cette désignation a été largement condamnée par la communauté internationale, notamment par les Nations unies et l’Union européenne, en raison de son attaque contre le travail légitime en faveur des droits de l’homme et son manque de preuves. Malgré cela, Israël a refusé de modifier sa position. Tant que la désignation reste en place, le travail d’Addameer, qui consiste à fournir une représentation juridique cruciale aux prisonniers palestiniens, ainsi qu’à documenter les violations des droits de l’homme afin de tenir Israël pour responsable à l’échelle internationale, reste en danger. Sans la présence d’organisations de la société civile, les prisonniers palestiniens perdent un soutien vital sur le terrain.

Alors que plusieurs experts de l’ONU ont tenté de demander des comptes à Israël, ce dernier a toujours refusé de respecter les principes du droit international et d’accéder à leurs demandes. En guise de conclusion, nous rappelons le cas d’Ahmad Manasra, arrêté en 2015 à l’âge de 13 ans, et détenu depuis dans la prison d’occupation israélienne. Son interrogatoire violent diffusé publiquement a suscité une large condamnation. Après des années d’emprisonnement, y compris des périodes prolongées d’isolement, des rapports médicaux ont révélé qu’Ahmad souffre désormais de graves problèmes de santé mentale, notamment de schizophrénie et d’idées suicidaires.

Les autorités israéliennes ont rejeté à plusieurs reprises les demandes de libération d’Ahmad, invoquant la loi antiterroriste appliquée rétrospectivement comme raison empêchant sa libération anticipée. Les experts des droits de l’homme des Nations unies ont demandé la libération d’Ahmad, déclarant :

« L’emprisonnement d’Ahmad pendant près de six ans l’a privé de son enfance, de son environnement familial, de sa protection et de tous les droits qu’il aurait dû se voir garantir en tant qu’enfant. Ce cas est obsédant à bien des égards et sa détention continue, malgré la détérioration de son état mental, est une tache pour nous tous en tant que membres de la communauté internationale des droits de l’homme […] À Ahmad, nous disons : nous regrettons de ne pas avoir réussi à te protéger ».

L’impunité avec laquelle Israël peut commettre des violations systématiques des droits humains doit cesser, avant que nous n’échouions à protéger le peuple palestinien, y compris les prisonniers. Dans un climat politique qui s’aggrave, la situation des prisonniers palestiniens ne fait que s’aggraver. Addameer cherche à amplifier les demandes du Mouvement des Prisonniers Palestiniens pour mettre fin au recours systématique et généralisé d’Israël à la détention administrative sur la scène internationale. Sans ce travail, le régime israélien isolera et réduira encore plus au silence les voix des prisonniers palestiniens. Une solidarité internationale vocale avec le mouvement est urgente et essentielle. Elle doit s’étendre non seulement aux organisations de la société civile qui s’efforcent de documenter et d’amplifier les luttes des prisonniers, mais aussi à la condamnation de l’apartheid israélien et de son recours à la détention administrative comme méthode d’oppression.

 

Organisations locales :

  1. Academics for Palestine- Concordia University, Montreal (Canada)
  2. Al Dameer Association for Human Rights (Palestine)
  3. Al Mezan Center for Human Rights (Palestine)
  4. Al Salam Förening (Sweden)
  5. Al-Haq, Law in the Service of Man (Palestine)
  6. Applied Research Institute- Jerusalem (ARIJ) (Palestine)
  7. Arab Women Organization for Jordan (Jordan)
  8. Baltimore Nonviolence Center (U.S.A)
  9. BDS Mexico (Mexico)
  10. BDS Vancouver/ Coast Salish Territories (Canada)
  11. Bisan Centre for Research and Development (Palestine)
  12. Canada Palestine Association, Vancouver (Canada)  
  13. Center for Defense of Liberties & Civil Rights “HURRYYAT” (Palestine)
  14. Chrysalis Theatre Incorporated (UK)
  15. Coalició Prou Complicitat amb Israel (Catalonia)
  16. Collectif Palestine Vaincra (France)
  17. Comité de Solidaridad con la Causa Árabe (Spain)
  18. Comité Universitario Solidaridad Pueblo Palestino (Mexico)
  19. Community Action Center, Al-Quds University (Palestine)
  20. Defense for Children International- Palestine (Palestine)
  21. Gaza Action Ireland (Ireland)
  22. Harvard Law School Advocates for Human Rights (U.S.A)
  23. Human Rights & Democracy Media Center “SHAMS” (Palestine)
  24. Indian Association of Lawyers (India)
  25. Lebanese Women Democratic Gathering (RDFL) (Lebanon)
  26. NYU Law Students for Justice in Palestine (U.S.A)
  27. Oakville Palestinian Rights Association (Canada)
  28. Palestine Solidarity Network Aotearoa (New Zealand)
  29. Palestinian and Jewish Unity (PAJU) (Canada)
  30. Palestinian Centre for Human Rights (Palestine)
  31. Palestinian Prisoners Society (Palestine)
  32. Regina Peace Council (Canada)
  33. SANA for Special Individuals (Jordan)
  34. Swedish Friends of the Freedom Theatre (Sweden)
  35. The Freedom Theatre (Palestine)
  36. The Palestine Institute for Public Democracy (Palestine)
  37. The Palestine Performing Arts Network (Palestine)
  38. The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy – MIFTAH (Palestine)
  39. The Palestinian NGOs Network (PNGO) (Palestine)
  40. The Women’s Center for Legal Aid and Counselling (Palestine)
  41. Union of Agricultural Work Committees (Palestine)
  42. Union of Palestinian Women’s Committees (Palestine)

Organisations régionales :

  1. ACAT-France
  2. Arab Network for Civic Education- ANHRE
  3. Arab Resource & Organizing Center (AROC)
  4. Cairo Institute for Human Rights Studies
  5. California Coalition for Women Prisoners
  6. Canadians for Justice and Peace in the Middle East (CJPME)
  7. Coalition Against Israeli Apartheid (CAIA) Victoria
  8. Comunitat Palestina de Catalunya
  9. Corporación Jurídica Libertad
  10. European Legal Support Center (ELSC)
  11. Freedom Archives
  12. Friends of the Jenin Freedom Theater
  13. GreaterToronto4BDS
  14. Harvard Advocates for Human Rights
  15. Human Rights for Law (HR4A) Saskatchewan
  16. Ireland-Palestine Solidarity Campaign
  17. Irídia – Center for the Defense of Human Rights
  18. Jewish Network for Palestine
  19. Jewish Voices for Peace
  20. Justice Peace Advocates/ Mouvement Pour Une Paix Juste
  21. Law Students for Justice in Palestine, Georgetown Law
  22. Niagara Movement for Justice in Palestine-Israel (NMJPI)
  23. Palestine House
  24. Project South
  25. Rising Tide North America
  26. RootsAction Education Fund
  27. Socialist Action/ Ligue pour l’Action Socialiste
  28. Students for Justice in Palestine, Chicago
  29. The Canadian BDS Coalition
  30. U.S Palestinian Community Network
  31. US Campaign for Palestinian Rights (USPCR)

Organisations internationales :

  1. Africa4Palestine
  2. Arab Organization for Human Rights
  3. Association France Palestine Solidarité (AFPS)
  4. ATL Jenine
  5. Critical Resistance
  6. Early Childhood Development Intercultural Partnerships
  7. European Jews for a Just Peace (EJJP)
  8. Eyewitness Palestine
  9. International Organization for the Elimination of all Forms of Racial Discrimination (EAFORD)
  10. International Service for Human Rights (ISHR)
  11. Kali_Feminists
  12. National Students for Justice in Palestine
  13. NOVACT- International Institute for Nonviolent Action
  14. Observatorio de Derechos Humanos de los Pueblos
  15. Palestine Solidarity Campaign UK
  16. Paz con Dignidad
  17. Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network
  18. SUDS – Associació Internacional de Solidaritat i Cooperació
  19. The Freedom Theater
  20. United Methodists for Kairos Response (UMKR)
  21. War on Want
  22. World BEYOND War

 

Source : Addameer – Traduction : Collectif Palestine Vaincra