Samedi 08 avril, les sections locales Paris 14 – 6, Gennevilliers et Paris Sud de l’AFPS ainsi que le Collectif Boycott Apartheid Israël – Paris Banlieue et le réseau Samidoun organisaient une projection du film “Grey, black and blue” du réalisateur palestinien Karam Abu Ali.
Dans ce film quatre militantes révolutionnaires palestiniennes témoignent de leur vécu dans les geôles israéliennes, et de leur vie après la prison. Un quotidien marqué par les humiliations et les violences quotidiennes, les pressions sur leurs familles et la négligence médicale, mais également par une résistance active face à l’administration pénitentiaire.
Gray, Black and Blue Teaser from Karam Abu Ali on Vimeo.
En introduction de la projection, le Collectif Boycott Apartheid Israël est revenu en détails sur l’invasion de la Mosquée Al Aqsa par les forces d’occupations israéliennes, les 4 et 5 avril derniers. Lors de cette attaque brutale du troisième lieu saint de l’Islam, les soldats ont pénétrés armés dans l’enceinte de la mosquée, passant à tabac les fidèles et arrêtant des centaines de Palestiniens.
Les attaques sur la Mosquée d’Al-Aqsa sont une attaque contre l’identité palestinienne, arabe et musulmane de ce lieu saint et une attaque contre l’identité de Jérusalem. Les Palestiniens de Jérusalem sont soumis à des campagnes incessantes de nettoyage ethnique, de déplacements forcés, d’arrestations de masse et de tentatives de les arracher à leurs résidences dans leur propre ville. Jérusalem a été illégalement « annexée » par le projet colonial de peuplement qui envisage la même chose pour l’ensemble de la Cisjordanie en Palestine occupée.
⚠️ Cette nuit à Jérusalem, les forces israéliennes ont brutalement agressé des dizaines de fidèles palestiniens à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa et les ont expulsés de force du site où ils observaient pacifiquement le mois sacré du Ramadan.#HandsOffAlAqsa #AlAqsa pic.twitter.com/nyppv7oPKI
— Collectif Palestine Vaincra (@Collectif_PV) April 5, 2023
Dans la journée de samedi, un rassemblement en solidarité avec Al Aqsa organisé par CAPJPO-EuroPalestine se tenait à Châtelet. Devant la Fontaine des innocents, des militants de l’organisation ont pris la parole pour informer les passants sur la situation à Jérusalem, le boycott, la colonisation, etc.
En Allemagne, Samidoun Deutschland a organisé une manifestation à Berlin en réponse à l’appel des masses palestiniennes et en solidarité avec la résistance palestinienne, première ligne de défense contre l’occupation et sa barbarie.
À la suite du film, Samidoun Paris Banlieue a présenté la situation des 29 prisonnières politiques palestiniennes détenues à la prison coloniale de Damon, et nous sommes revenus sur les différentes étapes de leur trajectoire.
Leur engagement dans la lutte de libération et la résistance pour certaines, comme Maryam Arafat, Walaa Khaled Abu Tanga et Tahrir Adnan Abu Sariya, arrêtées le 20 août dernier alors qu’elles auraient tiré à plusieurs reprises sur un groupe de soldats positionnés à proximité d’une colonie proche de Naplouse, en représailles du meurtre d’Ibrahim Al Nabulsi quelques jours plus tôt. Ou encore Shatela Abu Ayad, Palestinienne de 48, arrêtée en avril 2016 après avoir attaqué un colon et avoir fait fuir tout un groupe de colons qui tentait de la maitriser. Condamnée à 16 ans de prison et à une amende de 100 000 shekels, elle a refusé de demander que son affaire soit transformée en affaire civile, ce qui aurait pu lui permettre d’obtenir une réduction de peine. Elle a justifié sa décision au nom de l’unité du peuple palestinien face à l’oppression commune à laquelle ils et elles font face.
Ces prisonnières subissent des arrestations violentes, des passages à tabac systématiques de la part des soldats et des violences psychologiques durant les interrogatoires. En effet sur 29 femmes, 4 ont été blessées par balle suite à leur arrestation. Comme Marah Bakir, arrêtée le 12 octobre 2015 alors qu’elle rentrait des cours. Interpellée par un soldat qui lui demande de lever les mains, elle se fait tirer dessus à plusieurs reprises et est blessée gravement au bras gauche. Encerclée par un groupe de soldats et alors qu’elle baigne dans son sang, elle est violentée une nouvelle fois et brutalisée avant d’être transportée à l’hôpital. Mais également Nurhan Awad arrêtée en novembre 2015 à l’âge de 16 ans, alors que sa cousine Hadeel, 14 ans, est tuée devant ses yeux. Elle sera condamnée à 9 ans de détention et à 10 000 shekels d’amende. Ou Shuruq Dowayat, arrêtée en 2015, condamnée à 16 ans de prison et 80 000 shekels d’amende et qui reçoit 4 balles dans la poitrine et dans la main.
Nous avons également évoqué les conditions de détention inhumaines qu’elles subissent, et la négligence médicale à laquelle elles font face comme Israa Jaabis, brûlée sur 60 % de son corps et amputée de 8 doigts après l’accident de voiture qui a précédé son arrestation, et qui n’a pas accès aux médicaments et aux soins dont elle a besoin aujourd’hui. Nous avons également rendu hommage à Saadia Farajallah, décédée en détention des suites d’un infarctus causé par cette politique de négligence médicale le 2 juillet dernier à l’âge de 68 ans. Près de la moitié, des prisonnières souffrent de blessures ou de maladie diverses et ne peuvent pas se soigner correctement, l’une d’entre elles est atteinte d’un cancer du sein et deux ont des problèmes neurologiques.
Sur 29 femmes, 14 viennent de Jérusalem Est ou du gouvernorat de Jérusalem. Comme les destructions de maisons, le harcèlement et l’expulsion de militants comme Salah Hamouri, cette incarcération massive des Palestiniens de Jérusalem dans les prisons sionistes est un outil utilisé par les autorités coloniales pour vider la ville de sa population arabe. Ce sont également les proches de prisonniers ou de résistants qui sont visées par la répression, comme Aseel Al Titi arretée alors qu’elle rendait visite à son frère en détention à Ramon, ou Ataf Jaradat qui a 3 enfants détenus dans différentes prisons du pays.
Nous avons insisté sur le fait que ces femmes sont avant tout des résistantes qui continuent de faire face aux autorités coloniales, même entre ces murs. Leur résistance prend des formes différentes, en fonction des individualités, des contextes extérieur et intérieur, des campagnes lancées par le mouvement des prisonniers et du rapport de force entre l’occupation et la société palestinienne. Plusieurs prisonnières ont continué leurs études en détention et ont arraché leurs diplômes avec brio. L’éducation et l’instruction sont des composantes essentielles pour le mouvement des prisonniers. Les plus anciennes et les diplômées enseignent aux jeunes, leur offrent des espaces de discussions politiques, religieuses et culturelles. Il existe par exemple toute une littérature carcérale écrite par les détenus, dont Walid Daqqah est l’auteur le plus connu et prolifique.
À Damon, sous l’impulsion de Yasmin Saaban qui était représentante des détenues lors de sa précédente détention, les prisonnières les plus jeunes ont édité un magazine clandestin pendant près de 2 ans : “Al Zahrat” (les fleurs), du surnom des détenues mineures. Quinze numéros de ce magazine auraient vu le jour et huit d’entre eux ont pu sortir des murs de la prison. Dans ce magazine, les jeunes filles, pour la plupart mineures, documentaient leur quotidien entre les murs et certaines dessinaient des planches et des illustrations. Véritable outil d’expression libre, ilot de liberté imaginé et composé au nez et à la barbe des surveillants pénitentiaires, le dernier numéro comptait plus de 30 pages, et de plus en plus de détenues se sont prêtées au jeu au fur et à mesure de la vie de ce journal.
Toujours dans le cadre de la résistance culturelle, Amani Al Hashim, arrêtée le 13 décembre 2016, maman de deux enfants et habitante de Jérusalem Est, a écrit un livre lors de sa détention qui a été publié en début d’année 2022. C’est un recueil de 25 textes et d’une cinquantaine de pages : “La détermination fait naître l’espoir”. Ce livre a fait l’objet de plusieurs événements publics où sa famille et plusieurs autres familles de détenues étaient présentes.
Les prisonnières luttent aussi physiquement contre l’administration pénitentiaire. Comme Fadwa Hamadeh, habitante de Jérusalem Est, maman de 5 enfants et détenue depuis le 12 août 2017, qui a pris la défense d’une codétenue qu’un surveillant agressait violemment. Elle s’interpose et répond physiquement à l’agression. Elle est placée en isolement une première fois pendant 73 jours, et une deuxième fois quelques mois plus tard pendant 110 jours. Blessée au pied lors d’une chute qu’elle a subit pendant un transfert elle n’a pas accès aux médicaments dont elle a besoin et son transfert en unité médicalisée a été refusé. Des mouvements collectifs regroupant de petits groupes de détenues ou des cellules entières sont également organisés. Comme en janvier 2023 où un petit groupe de détenues a déployé une banderole dans la cours de la prison où l’on pouvait lire “ni pain ni eau, nous voulons la liberté !”, à laquelle les forces d’occupation ont répondu par des raids dans les cellules, des confiscations de matériel électronique et la mise en isolement de plusieurs prisonnières.
Parmi ces 29 détenues, 12 ont une peine supérieure à huit ans et 8 ont été condamnées à 10 ans ou plus. Les peines les plus longues ont été prononcées contre Shuruq Dowayat et Shatela Abu Ayad, condamnées à 16 ans, et Aisha Al Afghany et Maysoun Musa Jabali condamnées à 15 ans de détention. La plupart des femmes condamnées aux peines les plus longues ont une vingtaine d’années, et ont été privées des plus belles années de leur vie par les forces d’occupation.
Tout au long de l’après-midi, le public a pu s’arrêter sur notre stand pour écrire des lettres de solidarité à ces prisonnières. Tous les mois, nous envoyons un lot d’une quinzaine de lettres à destination de la prison de Damon et à nos contacts sur place pour leur exprimer notre soutien inconditionnel.
Nous avons également rappelé notre solidarité avec Walid Daqqah, intellectuel et révolutionnaire palestinien emprisonné depuis 1986, atteint d’une forme de cancer rare et qui est dans un état critique suite à la politique de négligence médicale délibérée mise en œuvre dans les prisons de l’occupation.
Nous tenons à remercier chaleureusement le public qui a fait le déplacement pour assister à cette projection et toutes les personnes qui se sont arrêtées sur notre stand pour écrire quelques mots de soutien ! Merci également aux différentes organisations avec lesquelles l’événement a été organisé, un beau travail collectif qui nous a permis de rendre hommage à ces résistantes du quotidien ! N’oubliez pas de nous suivre sur nos réseaux sociaux pour participer à nos activités et retrouver l’ensemble de nos actions et mobilisations (Instagram, Facebook, Twitter) ou de nous contacter par mail à [email protected]
Source : Samidoun Paris Banlieue