Le 27 avril 2023, Law for Palestine a publié le rapport « La politique d’arrestation d’Israël contre les étudiants palestiniens (en Cisjordanie et en Israël) : un outil pour éroder l’identité nationale palestinienne et consolider le colonialisme israélien ». Celui-ci met en lumière la détention des étudiants palestiniens comme un outil de contrôle militaire, de déplacement forcé et d’érosion de l’identité culturelle et nationale contre le peuple palestinien. 

Dans le document de plusieurs dizaines de pages, les auteurs rappellent que « depuis 1967, Israël a décrété des centaines d’ordonnances militaires destinées à limiter et même à oblitérer l’identité culturelle et nationale palestinienne. Parmi celles-ci figurent des ordonnances militaires concernant les étudiants universitaires palestiniens qui constituent l’avant-garde nationale palestinienne. Ces ordonnances sont généralement signifiées en hébreu, ce qui en complique la compréhension pour les Palestiniens. Dans la plupart des cas, les Palestiniens ne sont souvent mis au courant de ces ordonnances militaires qu’une fois qu’ils comparaissent devant les tribunaux israéliens, à la suite de leur arrestation après qu’ils sont supposés les avoir violées. En agissant de la sorte, l’occupation israélienne « a créé un vague (non-)système d’ordonnances et de mesures militaires au mépris total et systématique du système éducationnel afin de transformer l’enseignement, de processus d’émancipation de l’affirmation identitaire qu’il est censé être, en un outil de subordination et d’aliénation ». » Par exemple, on apprend dans le document « qu’en avril 1980, des étudiants de l’Université de Bethléem ont été informés que porter des chemises avec des bandes rouges, vertes et noires n’était pas permis parce que ces couleurs représentaient le drapeau palestinien. »

Illustré par de nombreux exemples, le rapport souligne que les étudiants de Cisjordanie sont arrêtés lors de raids militaires de jour comme de nuit dans toutes les zones qui régissent le territoire palestinien, y compris la zone A soi-disant sous contrôle de l‘Autorité Palestinienne. Suite à leur inculpation, la condamnation moyenne est de 10 à 24 mois pour des motifs tels que l’organisation d’un festival d’accueil des nouveaux diplômés sur le campus, porter une écharpe verte ou encore préparer un plat de falafels lors d’une activité d’une organisation étudiante. Parallèlement, de nombreux étudiants palestiniens en Palestine de 48 sont aussi régulièrement arrêtés et inculpés. Cette politique répressive et de coercition a des conséquences directes dans la vie étudiante des Palestiniens en leur faisant rater des cours, des examens, ce qui constitue une atteinte grave au droit à l’éducation.

Afin de souligner dans quel cadre politique cette répression a lieu, le document rappelle très justement que « dans un contexte colonial de peuplement, tout déploiement ou organisation d’identité collective par les colonisés est perçu comme une menace envers le régime colonial de peuplement. Historiquement, l’oblitération coloniale de l’identité est évidente dans bien des cas, depuis la christianisation forcée des tribus autochtones en Amérique du Nord à la mise hors la loi des mouvements estudiantins anti-apartheid en Afrique du Sud de l’apartheid. Similairement, à travers la Palestine historique, les activités, symboles et organisations de caractère national sont restreints par la loi israélienne, qui permet à l’État d’empêcher activement les Palestiniens en deçà et au-delà de la Ligne verte d’exprimer une identité palestinienne collective. » De cette manière, l’arrestation et l’emprisonnement des étudiants palestiniens visent à réprimer l’expression d’une identité collective palestinienne, mais aussi tenter de briser les étudiants arrêtés et adresser un message aux autres afin de les intimider. Maitresse de conférences en philosophie à l’Université de Tel-Aviv, Anat Matar explique cette politique en faisant remarquer que « sur les campus du monde entier, le militantisme étudiant tend à être accepté et bien accueilli, ce même genre de militantisme est interdit aux étudiants palestiniens ».

Par ailleurs, le rapport souligne que les étudiants palestiniens emprisonnés sont considérés comme étant des « prisonniers sécuritaires » au même titre que l’ensemble des 4900 hommes, femmes et enfants palestiniens détenus par l’occupation israélienne. Selon l’avocat Abeer Bakr, cette classification décontextualise et « dépolitise » les actions des prisonniers et « jette le flou sur leurs aspirations politiques ». Ana Matar insiste sur le fait que « refuser la nature politique de ces prisonniers et y faire allusion collectivement comme prisonniers ‘sécuritaires’ les dépouille de leur humanité (…) et de leur nature politique ». En outre, cette désignation implique de très nombreuses restrictions en termes de droit, comme une liste importante de livres qui ne sont pas autorisés. Par exemple, on apprend que « Écrit sous la potence » du journaliste tchécoslovaque Julius Fučik et tous les livres du philosophe italien Antonio Gramsci sont interdits.

Enfin, le rapport se termine en soulignant que cette politique répressive constitue de graves infractions au droit international. Par exemple, Human Rights Watch dénonce l’utilisation des 18000 ordonnances militaires qui régissent la vie de nombreux Palestiniens en rappelant qu’elles « ont été rédigées de façon si vague qu’elles violent l’obligation des États, conformément aux lois internationales sur les droits humains, d’énoncer clairement la conduite qui pourrait donner lieu à une sanction pénale ».

Face à cette répression coloniale contre la jeunesse palestinienne, nous vous invitons à rejoindre et participer à la campagne #FreePalestinianStudents qui réuni plus de 300 organisations dans le monde afin de renforcer la solidarité avec les étudiants palestiniens réprimés. Par ailleurs, n’hésitez pas à lire le rapport complet traduit en français par Jean-Marie Flémal, membre de la Plateforme Charleroi pour la Palestine. Celui-ci donne un éclairage précis sur les mécanismes de cette politique.