Suite à un arrêté d’un tribunal israélien, l’appartement de la famille Ghaith-Sub Laban est désormais occupé par des colons juifs.

La décision du tribunal a mis un terme au bail protégé de Nora Ghaith, 68 ans, et de Mustafa Sub Laban, 72 ans.

Ajith Sunghay, le chef du bureau de l’ONU pour les droits humains en Cisjordanie et à Gaza, a déclaré que l’expulsion du couple « peut être considérée comme un transfert forcé (…) une infraction grave aux Conventions de Genève et un crime de guerre ».

Le bureau des droits de l’homme a ajouté que « les lois humanitaires internationales interdisent à Israël d’imposer ses propres lois en territoire occupé, y compris Jérusalem-Est, et cela inclut le recours aux lois israéliennes pour expulser des Palestiniens de leurs foyers ».

L’institution des Nations unies a fait remarquer que l’expulsion de la famille Ghaith-Sub Laban fait partie d’un effort plus large en vue de chasser de force les Palestiniens du secteur oriental de Jérusalem, qui a été occupé par Israël en 1967 et annexé en violation des lois internationales.

Une organisation liée à Ateret Cohanim, un groupe de colons d’extrême droite, cherche à prendre possession de la propriété des Ghaith-Sub Laban depuis 2010. Mais la bataille pour l’appartement dure depuis 45 ans, c’est-à-dire depuis que l’État tente de s’en emparer au profit du peuplement juif.

Ce n’est certes pas la première fois qu’un tribunal israélien a tranché en faveur de colons en quête d’expulsion de Palestiniens dans l’intention de s’emparer de leurs résidences à Jérusalem.

Les Palestiniens font remarquer depuis longtemps que la justice israélienne – que des protestataires ont cherché à protéger du remaniement prévu par Benjamin Netanyahou – a l’habitude d’entériner sans discussion les violations de leurs droits.

 

Des décennies de lutte

 

Des colons israéliens résidaient déjà dans d’autres appartements de l’immeuble d’où la famille Ghaith-Sub Laban a été expulsée jeudi.

En 2015, Ahmad Sub Laban avait expliqué à The Electronic Intifada que ses grands-parents avaient emménagé dans leur appartement en 1953, et qu’ils le louaient auprès d’une institution jordanienne créée pour administrer des biens pris à des juifs ou abandonnés par des juifs de Cisjordanie avant que soit créé l’État d’Israël en 1948.

Le bail permettait à la famille locataire d’être protégée aussi longtemps que Nora Sud Laban, née dans cet appartement, et les siens allaient y vivre.

Quand Israël a occupé le secteur oriental de Jérusalem en 1967, la propriété est retombée sous l’autorité de l’État.

Depuis lors, Israël a tenté d’annuler le statut de locataires protégés des Ghaith-Sub Laban et d’expulser la famille. Deux autres familles palestiniennes ont été expulsées du même immeuble à la fin des années 1970 et les colons israéliens qui s’y sont installés ont finalement empêché la famille Ghaith-Sub Laban d’accéder à la propriété.

Pendant seize ans, elle a vécu dans un autre quartier jusqu’à ce qu’un tribunal lui permette de nouveau d’accéder à son appartement.

Les ennuis de la famille ont recommencé en 2010 quand le Gardien israélien des biens des absents a transféré la propriété de l’appartement vers une entité qui, finalement, est devenue le Kollel Galicia Trust. Ce trust a des liens profonds avec Ateret Cohanim, une organisation de colons d’extrême droite qui se consacre à la colonisation du quartier musulman de la Vieille Ville de Jérusalem – un but que partage d’ailleurs l’État.

Une loi de 1970 permet aux Israéliens de revendiquer des biens possédés par des juifs avant la création de l’État d’Israël en 1948. Un grand nombre des propriétés que les colons cherchent à saisir sous cette loi abritent des Palestiniens qui ont fui ou qui ont été chassés du secteur occidental de Jérusalem en 1948.

Par contre, l’État interdit aux Palestiniens de recouvrer de grandes quantités de terres et de propriétés saisies pendant, avant et après la fondation d’Israël.

 

Une inquiétude très velléitaire

 

Des diplomates étrangers avaient rendu visite aux membres de la famille Ghaith-Sub Laban bien avant leur expulsion forcée. Mais, sans la moindre pression significative sur Israël, l’inquiétude internationale ne fait pas grand-chose pour protéger les Palestiniens dans une situation de totale impunité.

Mardi, l’Union européenne a déclaré : « Nous regrettons la décision des autorités israéliennes, suite à un arrêté de la cour, d’expulser la famille Ghaith-Sub Laban de la maison qu’elle occupait depuis 1953. »

Le consulat britannique à Jérusalem a dit qu’il était « horrifié » par l’expulsion et a ajouté que « de telles actions provoquent des souffrances inutiles (…) et risquent d’enflammer les tensions intercommunautaires ».

Le consulat a utilisé une astuce rhétorique familière par laquelle il condamne une action israélienne parce qu’elle pourrait enflammer les tensions, plutôt que de dire explicitement qu’elle viole les lois internationales – ce qui forcerait par conséquent le Royaume-Uni à réclamer des comptes.

Les Palestiniens ont décrit l’expulsion de la famille Ghaith-Sub Laban comme une « deuxième Nakba » ou une continuation du nettoyage ethnique de la Palestine à l’époque de la création d’Israël.

Mardi, Yonatan Yosef, membre du conseil municipal de Jérusalem et activiste parmi les colons, a tweeté une photo de lui-même souriant tout en brandissant un drapeau israélien à l’intérieur de l’habitation de la famille Ghaith-Sub Laban. La photo était accompagnée des mots « La Nakba maintenant » en hébreu.

L’agence d’information Associated Press a paraphrasé Arieh King, le maire adjoint de Jérusalem, un colon lui aussi, en disant que disant que « c’était une journée à célébrer ».

 

Article de Maureen Clare Murphy, rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

 

Source : Electronic Intifada – Traduction : Plateforme Charleroi-Palestine