Le plan d’annexion de la Cisjordanie du ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, prévoit le rattachement de plus de 60 % du territoire à Israël. Mais les experts palestiniens affirment que c’est « déjà en train de se produire ».

La question de l’annexion progressive de la Cisjordanie par Israël a refait surface ces derniers jours après qu’un enregistrement du ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a révélé un plan « spectaculaire » visant à imposer un contrôle israélien permanent sur la Cisjordanie « sans que le gouvernement soit accusé de l’annexer », comme l’a déclaré M. Smotrich dans l’enregistrement.

Les déclarations de M. Smotrich, enregistrées par l’ONG israélienne Peace Now et publiées par CNN et le New York Times, ont été faites lors d’un discours qu’il a prononcé devant des dirigeants de colons au début du mois de juin. Smotrich a été enregistré en train de dire qu’il avait élaboré un plan au cours de l’année et demie écoulée et qu’il l’avait présenté au Premier ministre israélien Netanyahu, qui était « entièrement d’accord ».

Ce plan consiste à transférer les autorités administratives de Cisjordanie de l’armée israélienne aux autorités civiles du gouvernement israélien. M. Smotrich a déclaré qu’il avait supervisé la création d’un organe administratif entier directement lié au gouvernement et que les membres de cet organe étaient déjà intégrés dans l’administration civile de l’armée israélienne.

En 1967, Israël a commencé à administrer la Cisjordanie et la bande de Gaza sous l’égide d’un organe administratif militaire, le gouvernement militaire, qui a été remplacé en 1981 par l’administration civile. Après la formation par Netanyahou du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël en 2022, Smotrich a été placé à la tête de l’administration civile. Depuis le 7 octobre, la politique dure de M. Smotrich, qui prône l’expansion des colonies, a atteint de nouveaux sommets, le plan d’annexion qui a récemment fait l’objet d’une fuite suscitant des craintes quant aux intentions de celui qui se décrit comme un fasciste à l’égard des Palestiniens vivant en Cisjordanie.

Selon M. Smotrich, les changements administratifs qu’il souhaite mettre en œuvre représentent un « changement radical » qui équivaut à « changer l’ADN du système ».

Smotrich a déclaré que d’importants budgets ont été alloués à des projets d’infrastructure pour l’expansion des colonies et à des « mesures de sécurité » pour les colonies, ajoutant que l’objectif d’un tel plan est « d’éviter que la Cisjordanie ne fasse partie d’un État palestinien ».

 

Le plan Smotrich « est déjà en cours »

La fuite de Smotrich survient alors que la Cisjordanie a été le théâtre d’une augmentation spectaculaire de la violence des colons à l’encontre des villages palestiniens depuis le 7 octobre. Dès les premiers jours de l’assaut israélien contre Gaza, les colons israéliens ont lancé une série d’attaques contre les communautés rurales palestiniennes, expulsant complètement au moins 20 communautés dans la vallée du Jourdain, sur les pentes orientales adjacentes (la région de Mu’arrajat), et à Masafer Yatta dans les collines du sud de l’Hébron. Itamar Ben-Gvir, allié de Smotrich et ministre israélien de la Sécurité nationale, a personnellement supervisé la distribution d’armes à feu aux colons, qui continuent d’attaquer les villages et les routes palestiniens en Cisjordanie.

Le plan de Smotrich « est une description de ce qui se passe déjà sur le terrain », a déclaré à Mondoweiss Khalil Tafakji, expert palestinien des colonies israéliennes et ancien directeur de l’unité des cartes à la Maison d’Orient de Jérusalem.

« C’est ce que nous décrivons et contre quoi nous mettons en garde depuis des années : une annexion de facto de la Cisjordanie par étapes, qui va de pair avec la violence des colons visant à nettoyer ethniquement la zone C des Palestiniens », a-t-il souligné.

La zone C comprend les territoires de Cisjordanie où les Palestiniens ne sont pas autorisés à exercer une quelconque souveraineté ou autorité en vertu des accords d’Oslo. Elle couvre 61 % de la Cisjordanie et comprend les frontières du territoire, la vallée du Jourdain et l’espace entre les villes palestiniennes.

« Mais le plan constitue en fait un changement majeur dans la manière dont la Cisjordanie est traitée dans le système israélien », a déclaré M. Tafakji. « Elle passera sous le contrôle civil du gouvernement israélien, ce qui facilitera la construction et l’expansion des colonies de telle sorte que la zone C deviendra une extension directe d’Israël. »

« L’étape suivante », a poursuivi M. Tafakji. « Elle consisterait à retirer à l’Autorité palestinienne l’autorité sur la construction et l’urbanisation dans la zone B, tout en augmentant la pression sur les Palestiniens pour les forcer à partir », a-t-il expliqué.

La zone B comprend les zones urbaines situées en dehors des principaux centres-villes, où les Palestiniens peuvent exercer une autorité civile limitée sans contrôle de sécurité, qui est exercé par l’armée israélienne.

« Actuellement, dans la zone B, les Palestiniens demandent des permis de construire à leurs municipalités locales, qui peuvent les accorder dans le cadre de leurs plans d’urbanisme », a expliqué M. Tafakji. « Cela resterait inchangé, mais les plans d’urbanisme ne seraient plus définis par les municipalités et les départements de planification de l’Autorité palestinienne, mais plutôt par le gouvernement israélien lui-même, transformant les villes palestiniennes en véritables réserves contrôlées par Israël. »

« Il ne s’agit pas d’une révélation majeure sur les intentions ou la stratégie d’Israël en Cisjordanie, mais cela montre comment Israël procède et prévoit de procéder à l’avenir », a précisé M. Tafakji.

 

Article de Qassam Muaddi, rédacteur palestinien de Mondoweiss, publié initialement le 27 juin 2024

 

Source : Mondoweiss – Traduction : Collectif Palestine Vaincra