Samedi 1er juin à Toulouse, la salle du Hangar de la Cépière était pleine lors de la rencontre débat « Se mobiliser contre le soutien de l’impérialisme français à Israël » que nous avons organisé avec la participation d’une délégation de Palestine Action France. Nous reproduisons ci-dessous l’intervention du militant de Collectif Palestine Vaincra qui est également ouvrier dans l’aéronautique. 

L’armement, une industrie stratégique pour l’impérialisme français

Avant de parler de vente d’armes et de coopération militaire avec Israël ou tout autre pays, on va s’attarder un peu sur la place et le rôle de l’industrie de l’armement pour un pays comme la France.

La France est une grande puissance mondiale. C’est un pays impérialiste, et avant cela c’était un empire colonial : cette position dans la hiérarchie des nations provient d’une longue histoire de domination des peuples qu’elle opprime. La France est d’ailleurs toujours une puissance coloniale, comme le démontrent les récentes révoltes en Kanaky en 2024 ou en Guadeloupe en 2022.

La France coloniale puis impérialiste est naturellement une puissance militaire, la violence armée est un outil essentiel pour le maintien et le développement de sa domination. Que ce soit contre d’autres puissances impérialistes, ou contre les peuples dominés. L’impérialisme est multifacette : politique, économique, diplomatique, culturel… mais toujours aussi militaire.

C’est pourquoi l’industrie de l’armement est une industrie stratégique pour la France. Il est essentiel de comprendre que la France a développé son industrie de l’armement avant tout pour ses propres besoins de puissance impérialiste.

Les raisons peuvent sembler évidentes, mais on va un peu les détailler.

  • C’est d’abord un besoin :

La France a besoin de matériel militaire pour équiper ses armées. On nous dit que la France a besoin de se défendre, dire qu’elle défend ses intérêts serait bien plus juste.

En effet, la France est une puissance militaire interventionniste. Depuis 1962 et la fin de la guerre coloniale menée en Algérie, elle a menée plus de 250 opérations militaires à l’extérieur de son territoire (OPEX – opérations extérieures). Seule, ou en coopération avec l’Union Européenne ou d’autes puissances.

Depuis 2018 et l’élection de Macron on dénombre, il y a 16 OPEX. 17 si l’on considère l’intervention militaire en Kanaky comme une opération coloniale et non du maintien de l’ordre. Cela ne représente pas une rupture mais s’inscrit dans la continuité : gauche ou droite (Mitterand, Hollande et cie) sont les mêmes défenseurs de l’impérialisme.

La France dispose de la plus grosse armée de l’Union Européenne. Son armée est présente partout à travers le monde avec plus ou moins 10000 soldats déployés en permanence et plus de 7150 en permanence dans les colonies françaises (Guyane, Antilles, Kanaky etc.).

  • Enjeu de l’autonomie en matière d’armement

L’impérialisme c’est la guerre en permanence contre les peuples. Mais c’est aussi la guerre entre puissances, au sens propre, ou figuré, pour gagner de l’influence et des parts de marché. Dans un contexte de concurrence entre puissances impérialistes, la recherche de l’autonomie en matière de production d’armement est un enjeu stratégique. A ce sujet, nos dirigeants aiment dire comment la France est « souveraine » en la matière.

C’est vrai d’un côté car la France possède des capacités de production de matériel militaire dans quasiment tout les domaines (aérien, spatial, terrestre et naval, numérique) ce qui n’est pas le cas de puissances concurrentes (Royaume-Uni ou Allemagne). Mais c’est aussi un gros mensonge car la France est complètement dépendante de ses importations de matières premières pour pouvoir fabriquer ce matériel militaire (uranium, métaux etc.).

  • Etat français, principal client de cette industrie

Sans surprise donc, vu ses besoins, l’Etat français est le principal client de son industrie de l’armement. Ainsi 70 % de la production du secteur de l’armement est à destination du marché intérieur. La France a dépensé en 2023 pour 25 milliards d’euros d’équipement militaire, 80 % étant des fournisseurs français.

Aujourd’hui, le secteur est principalement privé. L’industrie de l’armement n’a pas échappé aux vagues de privatisation. Mais l’Etat reste en partie actionnaire de la plupart des grands groupes du secteur. Si les acteurs industriels sont privés, le lien reste très fort avec l’Etat qui est leur principal donneur d’ordre et leur meilleur VRP.

Le Ministère des armées et la DGA – Direction générale de l’Armement sont toujours présents lors des ventes d’armes à d’autres pays et joue un rôle important dans les salons de l’armement. Ces derniers sont les vitrines du secteur et la France organise les plus importants au monde : le Salon du Bourget en 2025, Euronaval en novembre 2024), EuroSatory du 17 au 21 juin 2024.

C’est bien sûr l’Etat qui a la main sur les exportations. Les ventes sont interdites, sauf lorsqu’il accorde des licences. Celel-ci sont attribuées par l’exécutif, dans des commissions avec des membres issus des ministères. Le Parlement est seulement informé lors d’un rapport annuel chaque année.

  • Contexte d’économie de guerre et de militarisation de la société

L’importance de l’armement pour la France doit aussi être appréciée au regard du contexte politique général. Pour Macron, la France est entrée depuis juin 2022 en économie de guerre. Les contradictions mondiales entre puissances s’aiguisent et avec elles le besoin pour une puissance comme la France de se réarmer.

La conséquence directe est l’explosion du budget alloué aux armées, qui augmente de 45 % entre 2017 et 2024. C’est le 3ème poste de budget de l’État (7%) qui se rapproche de celui de l’éducation nationale (10,5%).

Cela s’accompagne d’une militarisation plus générale de la société, qui est le fruit d’une offensive idéologique réactionnaire. Citons notamment la volonté de mettre au pas la jeunesse avec le SNU, mais ce c’est qu’un exemple.

Quelle est la place et le rôle des exportations ?

 

Depuis 2023, la France est le deuxième pays exportateur au monde notamment grâce à la baisse des exportations de la Russie mais aussi son marché intérieur. Les ventes d’armes occupent une place importante, autant au niveau économique qu’au plan politique.

Tout d’abord, il faut dire qu’elles sont nécessaire pour cette industrie. Son modèle économique et sa « performance » repose sur les exportations. Un effet, bien connu d’économie d’échelle : produire plus permet de produire moins cher. Si le secteur de l’armement n’exportait pas, il serait bien moins compétitif sur le plan économique. En ce sens, les exportations renforce la puissance militaire de la France, qui en tant que client principal est la première à bénéficier d’une industrie plus compétitive.

Pour l’impérialisme français, sur un plan économique, les armes sont aussi un produit d’appel. Leur vente va permettre par la suite de pénétrer les marchés nationaux des pays destinataires des exportations. L’Etat français va commencer par vous vendre des rafales, mais finira toujours par vous proposer du Carrefour, du Orange ou du Bouygues. Des fois cela est inclus dans le deal.

  • Le deuxième aspect important est plus politique

Les exportations d’armes sont un appui de la politique étrangère de la France.

Elles viennent renforcer des alliances et partenariats stratégiques pour la défense des intérêts de l’impérialisme français.

Ainsi quand on regarde les principales destinations des ventes d’armes françaises, on n’est pas surpris : le Moyen-Orient, région stratégique pour l’impérialisme est la principale destination des exportations d’armes française. Sur les 10 dernières années, on retrouve quatre pays du Moyen-Orient dans le top 5 des prises de commandes : Emirats-Arabes-Unis, Egypte, Qatar, Inde et Arabie Saoudite (par odre décroissant)

Maintenant on va s’intéresser plus en détail à la relation France / Israël à ce sujet.

La coopération militaire France / Israël

 

La France est un allié historique d’Israël. L’impérialisme français, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, a vu depuis le départ cette colonisation de peuplement occidentale comme la pièce maitresse de la défense de ses intérêts de puissance dans la région.

Dans les années qui vont suivre la création de l’Etat d’Israël, la France va jouer un rôle déterminant pour consolider la dominiation coloniale israélienne. A cette époque c’est la France qui est le principal fournisseur de matériel militaire. Dès 1956, elle signe des contrats de vente d’avions de chasse, de missiles, de surplus de matériel étatsunien dont plusieurs centaines de tanks.

Dans les années 1950 c’est encore la France qui va doter Israël de la technologie nucléaire. C’est une relation gagnant-gagnant : la France livre un réacteur, ouvre l’accès aux sites nucléaires « français » (en France mais aussi en Algérie) c’est à dire aussi aux résultats des essais nucléaires. De plus, elle va fournir les missiles nécessaires pour transformer la technologie nucléaire en une menace militaire. En retour, Israël va fournir un calculateur états-unien au Centre de l’ Énergie Atomique.

Un exemple significatif de cette coopération militaire de premier ordre, c’est l’expédition militaire conjointe France/Grande-Bretagne/Israel pour prendre le contrôle du canal de Suez (nationalisé par Nasser) en 1956.

En 1967 en amont de l’offensive israélienne dite de la Guerre des Six Jours, la Naksa, De Gaulle alors président décrete un embargo sur les armes à destination de tous les pays de la région. En vérité, les livraison d’armes ont continué : pièces détachées, contrats en cours honorés et transferts de technologies. Il faut comprendre le positionnement de De Gaulle, non pas comme une rupture du soutien à Israel, mais marque la volonté de la France d’apparaître autonome vis-à-vis de ses concurrents notamment états-unien. Cela s’accompagne de la normalisation des relations avec les pays arabes. Cet embargo, qui n’en est pas vraiment un, dure jusqu’en 1974.

Les années 1970 marquent un tournant, c’est les Etats-Unis qui deviennent le principal partenaire d’Israël en matière d’armement. Depuis Mitterand, la coopération militaire se renouvelle progressivement.

De multiples accords de coopération militaire sont signés, des accords de recherches, des échanges bilatéraux. Les échanges portent sur des technologies de pointe pour Israël, et la coopération sur les drones au bénéfice de la France. L’alternance politique gauche/droite n’entraine pas de changement et la coopération n’a pas cessé jusqu’à aujourd’hui.

  • La coopération militaire France/Israël aujourd’hui

Alors qu’en est-il aujourd’hui ? Les exportations d’armes existent mais ne représentent pas grand-chose au niveau commercial. En 2022, il y a eu pour 15,3 millions de vente de matériel militaire à destination d’Israël. Sur une période de 10 ans, de 2013 à 2022, les commandes pour Israël représentent 207 millions d’euros (sur un total 114 milliards d’euros) ce qui représente seulement 0,67 %. A titre d’exemple, c’est 21,5 milliards d’euros pour les Emirats Arabes Unis. Ainsi, il faut rappeler qu’Israel n’est pas dans le Top 20 des destinations d’exportations de la France. Pour autant, ces chiffres ne prennent pas en compte les ventes de biens à double usage, civil et militaire qui ne font l’objet d’un rapport au Parlement que depuis 2021. Selon ce dernier, l’État a accordé en 2022 pour 34 millions d’euros de licences à destination d’Israël. Si le montant des ventes effectives est toujours inférieur au montant des licences accordées, on peut sans trop s’avancer dire que les exportations de biens double usage viennent probablement au moins doubler le montant annoncé des exportations de matériel militaire à destination d’Israël. Mais rappelons que les chiffres disponibles sont imprécis et incomplets.

D’ailleurs, le gouvernement joue de cela dans sa communication. Depuis le début de l’offensive génocidaire, plusieurs parlementaires (PCF, LFI) ont demandé des comptes au gouvernement, en commision permanente défense nationale par exemple. Le gouvernement a botté en touche et renvoyé à la publication du prochain rapport au Parlement (donc en septembre 2024, voir septembre 2025 pour le matériel vendu en ce début d’année…).

Les révélations de Disclose concernant la vente de bandes servant à des mitrailleuses en mars dernier à contraint le Ministre des armées Sébastien Lecornu à reconnaître l’attribution de licences depuis le début du génocide, mais « uniquement des composants utilisés de façon défensive » c’est-à-dire le système du Dôme de Fer.

Si les chiffres sont imprécis cela donne quand même une indication. Et un ordre de grandeur : la France n’est pas un gros fournisseur d’armes à Israël.

    • Des éléments d’explication. Qui arme Israël ?

 

  • Les Etats-Unis sont le principal fournisseur et de loin

Entre 2013 et 2023, les Etats-Unis représentent 65% des ventes alors que l’Allemagne représente 30% et l’Italie environ 5%.

Depuis 1946, il y a eu 300 milliards de dollars d’aide étatsunienne à Israël dont les deux tiers d’aides militaires. Aujourd’hui c’est 3,6 milliards de dollars par an d’aides. Sous forme de bons d’achat pour du matériel américain et le financemment de programmes de missiles communs (Dôme de Fer, système de déIron Dome, David’s Sling, Arrow II) . Cela représente 15 % du budget défense d’Israël.

Mais Israël puise aussi dans des stocks de munitions étatsuniennes entreposés en Israël depuis les années 1980 pour un usage des Etats-Unis durant d’éventuelles guerres au Moyen-Orient.

Le 20 avril 2024, il y a 15 milliards de dollars de nouvelle aides dont 5 milliards pour refaire les stocks des systèmes de défense. A cela s’ajoute plus de 100 ventes d’armes depuis le 7 octobre 2023.

  • L’occupation sioniste elle-même

Le peuple palestinien a toujours résisté, et montre encore en plein génocide à quel point il est résistant. Face à cette résistance, pour asseoir et développer sa domination, l’Etat sioniste n’a pas eu d’autre choix que de développer ses capacités d’armement et son industrie. Israël cherche ainsi à réduire sa dépendance envers les puissances impérialistes dans ce domaine.

Aujourd’hui, les entreprises israéliennes Elbit Systems, Rafael Advanced Defense Sytems et IAI (Israel Aerospace Industries) comptent parmi les leaders en matière de drones et de défense aérienne (anti-missiles). L’armée sioniste fait un usage intensif de ces drones à Gaza, qui servent autant pour la reconnaissance, la désignation des cibles qu’aux bombardements. Tout les systèmes de défense sol-air sont co-produits avec les Etats-Unis (Dome de Fer, Fronde de David et sytème antiballistique Arrow). Israël est aujourd’hui le 9ème plus grand exportateur d’armes et ses entreprises n’hésitent pas à utiliser l’argument « combat proven » (testés au combat) pour vendre leurs engins de morts…

  • Coopération, concurrence et réciprocité

La relation de la France et d’Israël en matière de vente est réciproque et duale. La France achète aussi du matériel à Israël. Mais dans un même temps, c’est aussi une relation de concurrence. Dans le domaine des drones par exemple, la France a longtemps bénéficié de l’expertise israélienne. Mais elle a fait le choix aujourd’hui d’initier un programme commun avec des pays européens, pour ne pas dépendre d’Israël dans ce domaine stratégique.

  • Ne pas s’arrêter aux ventes d’armes : combattre toutes les facettes de la coopération militaire

La vente d’armes n’est qu’un aspect du soutien de l’impérialisme français à Israël. On préfère parler de coopération militaire, ce qui permet de mieux rendre compte de la profondeur et du contenu du volet militaire de cette alliance stratégique. Ainsi les forces armées françaises et israéliennes collaborent étroitement, depuis longtemps. Dans le cadre de relations bilatérales de défense ont lieu régulièrement des exercices militaires conjoints. On peut citer tout dernièrement : l’exercice aérien Blue Flag en 2021 avec 8 autres pays (dont la France, Etats-Unis, Grande Bretagne, Inde, Allemagne), l’exercice aérien Eastern Breeze en décembre 2022 (France/Israel) et enfin, l’exercice naval conjoint Noble Dina de mars 2023 avec la France, la Grèce, Chypre, les Etats-Unis et l’Italie.

  • Coopération en matière sécuritaire et policière

Cette coopération existerait depuis longtemps même si elle est très peu documentée. En 2008 sous la présidence de Sarkozy, un accord de coopération sur la lutte contre la criminalité et le terrorisme a été signé entre les deux Etats. Il n’a ensuite pas été ratifié par le Parlement en raison du contexte de l’offensive sioniste à Gaza.

A ce sujet, certains acteurs de la mobilisation contre l’armement (comme L’observatoire des armements) parle d’une « israélisation » du domaine sécuritaire et policier français. Les échanges existent, il ne s’agit pas de le nier. Mais le terme « israélisation » peut sous entendre que la France aurait tout à apprendre des pratiques israéliennes. Or, la France possède en matière de maintien de l’ordre et de contrôle des populations un savoir faire énorme, qu’elle tire directement de ses pratiques coloniales. Un savoir faire qu’elle a su appliquer et développer depuis dans les quartiers populaires, et exporter à l’étranger.

  • Interventions et présence militaires au Proche et Moyen-Orient

Dernièr aspect et non des moindres, il faut parler des interventions militaires de la France dans la région. Comme nous l’avons déjà dis, la France est une puissance impérialiste qui n’hésite pas à intervenir militairement pour défendre ses intérêts. On peut relever une quinzaine d’opérations militaires au Liban, mais aussi en Egypte, en Syrie, aux Emirats Arabes Unis, Yémen, etc. La liste est très longue.

La France est aussi présente de façon permanente au Moyen-Orient avec des bases militaires en Jordanie, Liban, Irak, Qatar et Emirats Arabes Unis. Depuis le début de l’offensive génocidaire la France est intervenue militairement à deux reprises :

– En février 2024 durant l’Opération navale europénne Aspides en Mer Rouge pour protéger les navires de transports commerciaux des actions de Ansar Allah au Yémen qui attaque les intérêts commerciaux d’Israël (et de ses alliés états-unien et anglais) en soutien au peuple palestinien. Une opération à but « défensif » contrairement aux Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui bombardent régulièrement le Yémen faisant de nombreux morts. Cette intervention militaire est toujours en cours.

– En avril dernier, elle a contribué à abattre les drones et missiles lancés par l’Iran à destination d’Israël, au côté d’autres pays (les Etats-Unis bien sûr, mais aussi les Emirats Arabes Unis, la Jordanie et l’Arabie Saoudite).

Dans ces deux cas pour la France le bénéfice est double : défendre les intérêts de son allié Israël et protéger ses intérêts plus généraux dans la région (commerciaux et bases militaires).

Pourquoi l’armement est un enjeu de mobilisation pour le soutien à la Palestine en France ?

  • Porter atteinte aux intérêts d’Israël par tous les bouts

Si la coopération militaire France/Israël ne représente pas grand-chose au niveau économque pour les deux parties, cela ne veut pas dire pas d’importance militaire, ou politique. Ici c’est la même logique que le reste des campagnes de boycott (Carrefour, Teva, les fruits et légumes « israéliens », etc.). L’objectif du boycott est d’affaiblir économiquement Israël (ici son industrie de l’armement) mais peut-être encore plus de l’isoler politiquement : rompre des relations commerciales délégitimise l’occupation et nuit à son image. Le boycott vient appuyer la résistance du peuple palestinien, qui reste bien sûr centrale.

  • Toulouse capitale de aérospatiale… et de l’armement

Une autre raison qui doit nous pousser à se mobiliser sur ce terrain, c’est la place qu’occupe l’industrie de l’armement dans notre métropole, à Toulouse. Toulouse c’est la capitale de l’aérospatiale. Son poids dans l’économie de la métrople est énorme : 83 000 personnes travaillent dans le secteur soit plus de 15 % de l’emploi local total. Dans une métropole de cadres (+ de 30 %), c’est la seule grosse industrie pourvoyeuse d’emploi ouvrier.

Cette présence résulte d’un choix politique d’aménagement du territoire fait dans les années 1960. Une des conséquences c’est aussi l’omniprésence de l’aérospatiale dans les domaines de l’éducation et de la recherche : déplacement du Centre national d’études spatiales à Toulouse en 1968, puis seront délocalisés un très grand nombre d’écoles ou de centre de recherche de l’aérospatiale : l’ENSA (ISAE-Supaéro), l’ENAC, le LASS du CNRS ou le CERT de l’ONERA.

Nous n’allons pas développer sur les retombées économiques, mais bien évidemment c’est un secteur juteux, qui fait d’énormes profits.

Ce qui est moins dit, c’est que Toulouse est aussi une ville qui compte pour l’industrie de l’armement.

  • D’abord, la ville a une histoire de production d’armes, plus particulièrement de munitions et d’explosifs : Arsenal, Cartoucherie, AZF, Poudrerie – SNPE (aujourd’hui Ariane Group) qui produit du carburant pour des fusées et missiles.

  • Enfin surtout car le secteur aérospatiale est depuis toujours autant civil que militaire

Rappelons ici que les premiers avions fabriqués était pour un usage militaire. Dans ce domaine, les pionniers sont Latécoère avec une première usine qui a ouvert en 1912 en produisant des avions pour l’armée puis Dewoitine.

On a l’habitude d’entendre que Toulouse est tournée vers l’aéronautique civil, et la métrople de Bordeaux vers le militaire. C’est pas faux, mais pas vrai pour autant : le secteur est plus spécialisé dans le militaire à Bordeaux (avec la présence de Dassault par exemple), mais Toulouse concentre énormément la majorité de l’emploi du secteur dans le Grand Sud Ouest.

Du coup, à Toulouse, près de 60 % des entreprises du coeur du secteur aéro travaillent pour le militaire et au final la métropole de Toulouse contribue plus à l’industrie de défense que Bordeaux. L’Occitanie est sans surprise la deuxième région du secteur armement (après l’Ile de France).

– Ce sont les mêmes entreprises qui travaillent pour le civil et le militaire. Comme on l’a vu, certains produits aussi ont un double usage.

– Le secteur à Toulouse, hormis la construction aérospatiale qui occupe une place centrale, est spécialisé dans l’ingénierie et l’informatique (Toulouse ville de cadres, rappelons-le)

  • Renforcement du volet militaire étatique à Toulouse

Tout récemment installation du Commandement de l’espace (armée de l’air) et du Centre d’excellence spatial de l’OTAN.

  • Thales, Airbus et Safran, des entreprises très implantées à Toulouse

Du fait de l’importance de l’aéronautique à Toulouse ces trois entreprises sont très implantées à Toulouse. Elles comptent parmi les leaders français et européens en matière d’armement. Airbus est ainsi le numéro 1 du secteur en France (transnational) et la 14ème au niveau mondial avec 20 % de ses 61 milliards de chiffres d’affaire qui sont issus de l’armement. Thales est le n°2 et ses revenus proviennent à 50 % du militaire. Safran arrive un peu plus loin. Thales et Airbus sont les entreprise militaires qui collaborent le plus avec Israël, et constitue donc des cibles de choix. A ce propos, nous vous invitons à consulter le guide sur les entreprises d’armement complices d’Israël de Stop Arming Israel ou sur nos articles sur MBDA et le Singapour Airshow 2024.

Le gros des exportations de matériel militaire de la France ont un lien direct avec l’aéronautique. Par exemple, le secteur aéronef (avions, hélicoptères, drones) représente 37 % exportations. Avec les systèmes de propulsion (dont des moteurs) et les appareils de détection cela revient à 70 % des exportations. Soit les activités centrales de Thales Airbus et Safran.

Une lutte résolument anti-impérialiste : le rôle du soutien dans un pays impérialiste

 

Dernière raison de se mobiliser sur la question de l’armement, et peut-être la plus importante, c’est le caractère fondamentalement anti-impérialiste de cette lutte dans un pays comme la France.

Nous ne sommes pas contre la guerre dans l’absolu. Certaines guerre sont justes ! Les guerres de libération des peuples algérien et vietnamien contre l’impérialisme et le colonialisme étaient des guerres justes. La résistance que mène le peuple palestinien afin de se libérer du joug colonial est une forme de guerre juste.

Mais l’impérialisme français n’arme pas les peuples qui combattent pour leur libération. Bien au contraire, c’est un ennemi des peuples ! Alors, la mobilisation en France contre le secteur de l’armement doit avoir pour objectif principal d’affaiblir l’impérialisme français.

Vous avez peut-être suivi ce qui s’est passé ces derniers jours avec le salon Eurosatory. Il n’y aura pas de stand d’entreprises israéliennes cette année. C’est un recul, qu’il faut mettre au crédit de la mobilisation collective initiée par Stop Arming Israel France et il faut s’en féliciter ! C’est un premier pas mais ce n’est pas suffisant ! Le Salon se tiendra quand même, les fournisseurs principaux du génocide en cours, les américains Boeing, General Dynamics, Raytheon seront bien présents. Les entreprises françaises seront là et vont continuer de vendre massivement des armes aux partenaires de la France au Moyen-Orient. Des régimes qui ont soit normalisé leurs relations avec Israël lors des accords d’Abraham en 2020 (Emirats Arabes Unis, Bahreïn) soit choisi le camp de l’impérialisme depuis déjà longtemps (Arabie Saoudite, Qatar, Koweit).

La mobilisation ne peut alors se contenter de demander un embargo sur les ventes d’armes à Israël, ou l’arrêt de l’achat de matériel à Israël. Elle doit être résolumment anti-impérialiste et avoir pour objectif d’attaquer l’ensemble des intérêts de la France au Moyen-Orient. Ce sera peut-être là la contribution la plus décisive que l’on puisse apporter, et la meilleure façon de soutenir la résistance du peuple palestinien.

Ensemble luttons pour imposer :

  • l’arrêt des ventes d’armes et de toute coopération militaire avec Israël

  • l’arrêt des ventes d’armes et des partenariats avec l’ensemble des régimes réactionnaires arabes

  • le démantèlement des bases et retrait de toute les troupes françaises au Moyen-Orient.

  • l’arrêt des interventions militaires dans la région. France hors de la Mer Rouge !

A bas l’impérialisme français !
Vive la résistance du peuple palestinien !

 

Bibliographie :

Ministère des Armées, Les chiffres clés de la Défense, 2021
Ministère des Armées, Les chiffres clés de la Défense, 2022
Ministère des Armées, Panorama statistique de la Défense Edition 2023, EcoDef 244, avril 2024
Ministère des Armées, La dualité civile-militaire dans la production aérospatiale à Bordeaux et à Toulouse, EcoDef 204, février 2022
Ministère des Armées, En 2021, l’exédent commercial lié aux matériels de guerre est au plus haut depuis 10 ans, EcoDef 223, mars 2023
Ministère des Armées, Rapport au Parlement sur les exportations d’armement, 2022
Ministère des Armées, Rapport au Parlement sur les exportations d’armement, 2023
Ministère des Armées, Calepin des entreprises internationales de Défense, Edition 2023
Ministère des Armées, Calepin des entreprises internationales de Défense, Edition 2024
SIPRI, Trends in international arms tranferts (2023), mars 2024
SIPRI, The SIPRI Top 100 arms-producing and military services companies (2022), décembre 2023
Observatoire des armements, La coopération militaire et sécuritaire France-Israël, Les cahiers de l’AFPS n°28, mai 2017
Toulouse Nécropole, 2014
https://www.budget.gouv.fr/budget-etat
https://www.cfr.org/article/us-aid-israel-four-charts