Mercredi soir, le Tribunal de Commerce de Paris a rendu son jugement concernant la plainte déposée par les entreprises israéliennes d’armement évincées du salon Euronaval. Cette cour composée de juges non-professionnels, issus du monde des affaires, a déclaré illégales les maigres restrictions imposées aux industriels israéliens et ordonné la levée immédiate de toutes les mesures mises en place à la demande du gouvernement, c’est-à-dire l’interdiction de disposer d’un stand d’exposition pour les entreprises dont les armes sont utilisées à Gaza et au Liban. Que nous apprend ce nouveau rebondissement dans la saga des salons d’armement français ?

Le gouvernement français a tenté d’éviter le scandale et de maintenir une façade d’équilibre et de mesure, mais s’est planté royalement.

D’après le journal Libération, la décision d’interdire aux vendeurs d’armes israéliens d’exposer à Euronaval est prise dès le 1er octobre. Cette décision est prise par le Conseil de défense et de sécurité nationale, qui réunit le président de la République, le premier ministre et les ministres des armées, de l’intérieur et de l’économie. Elle est toutefois tempérée par une décision explicite d’autoriser aux délégations et industriels israéliens de participer au salon sans y exposer. Le gouvernement espérait sans doute ainsi éviter à la fois une nouvelle mobilisation telle que celle qui s’était élevée contre Eurosatory en juin dernier, mais également de nouvelles accusations de discrimination du côté israélien.

Le gouvernement aurait ensuite attendu 15 jours avant d’annoncer ces décisions aux organisateurs du salon et aux entreprises concernées, espérant peut-être limiter ainsi les possibilités de recours en justice. Malgré ces précautions, l’indignation israélienne ne s’est pas fait attendre, et le gouvernement annonce trois jours plus tard que l’interdiction d’exposer ne concerne en fait que les entreprises israéliennes dont le matériel est utilisé à Gaza et au Liban.

Toutes ces manœuvres que l’exécutif espérait subtiles n’auront pas empêché les entreprises israéliennes de saisir, comme en juin dernier, le Tribunal de Commerce. En dernier recours, l’État, par la voie du Préfet de Paris, a bien tenté de convaincre ce dernier qu’il n’était pas compétent pour statuer sur l’affaire, mais les juges, qui sont des commerçants élus par leur pairs, ont sans surprise donné raison aux intérêts commerciaux israéliens, comme ils l’avaient fait pour Eurosatory.

Dès le mois de juillet, la France craignait d’avoir à gérer l’interdiction des exposants israéliens au prochain salon d’armement. Suite à la victoire obtenue contre Eurosatory, où l’ensemble des exposants israéliens avaient été empêchés d’exposer, la Sogena, organisatrice d’Euronaval, a fait signer aux entreprises israéliennes un avenant à leur contrat de location de stand à Euronaval, prévoyant la possibilité qu’une mesure d’interdiction soit prise à leur encontre, et leur proposant de renoncer d’emblée à leur venue, en échange d’un remboursement des frais engagés. Cet avenant faisait partie des mesures considérées comme illégales et discriminatoires par le Tribunal de Commerce. Bien que la majorité des exposants concernés ait refusé ce retrait anticipé, ceci nous prouve que la mobilisation contre Eurosatory a impacté fortement les conditions du commerce d’armement avec Israël dans les mois qui ont suivi.

Si le tribunal de commerce a donné raison aux intérêts israéliens, comme pour Eurosatory, on peut douter de la mise en œuvre concrète de sa décision. L’installation d’un salon d’armement tel qu’Euronaval ne se fait pas en quelques jours. Il est possible que les entreprises qui se voient désormais ré-autorisées à disposer d’un stand d’exposition ne soient pas en mesure de transporter et d’installer leur matériel dans les quelques jours restants avant l’ouverture du salon. À l’heure actuelle, les entreprises Rafael, Israel Shipyars et Orbit CS ont rejoint Orca AI et DSIT Solutions dans la liste des exposants israéliens sur le site internet d’Euronaval, et leurs stands sont bien indiqués sur le plan du salon. Ce n’est pas le cas du leader des vendeurs d’armes israéliens, Elbit Systems. Quoi qu’il en soit et quelle que soit la conclusion juridique, comme pour Eurosatory, dans les faits, le commerce d’armement entre Israël et le reste du monde a été fortement perturbé dans le cadre du salon Euronaval.

Le commerce d’armement avec israël est devenu un sujet central en France, tant pour les gouvernements que pour les entreprises privées concernées. Ce n’était pas le cas il y a un an, lorsque que Stop Arming Israel France préparait sa première action publique au salon d’armement Milipol. Ce ne serait toujours pas le cas aujourd’hui sans le travail acharné de celles et ceux qui participent à cette campagne. Si la justice peut parfois être un outil pour nos luttes, elle peut aussi bien être utilisée par nos adversaires. Il est plus que jamais nécessaire que les organisations militantes prennent en charge la question du commerce d’armement en multipliant les modalités d’action, pour peser réellement dans le rapport de force et obtenir de nouvelles victoires.

Nous réitérons notre appel à visiter le salon Euronaval pour vérifier quelles entreprises y exposeront réellement, interroger tous les exposants présents sur le commerce d’armement avec Israël et faire entendre la voix du peuple palestinien. Nous notons toutefois que le code promotionnel qui permettait à tout un chacun de s’inscrire gratuitement a été désactivé, sans doute par peur de voir affluer les soutiens à la Palestine dans les allées du Salon. Les étudiants, quant à eux, semblent toujours pouvoir obtenir un badge gratuit pour accéder à Euronaval le jeudi 7 novembre.

Face au commerce d’armement avec Israël et à tous ses complices, à Euronaval comme après, nous ne devons rien lâcher !

 

Source : Stop Arming Israel France