Le Conseil d’administration de Sciences Po Strasbourg avait voté le 25 juin dernier la suspension de son partenariat avec l’Université Reichman et la motion avait été officiellement publiée fin octobre faisant de l’établissement le premier en France à suspendre ses liens académiques avec une université israélienne.
Cette décision a aussitôt été fermement condamnée par le ministre de l’Enseignement supérieur qui qualifiait la suspension du partenariat “inacceptable”, “c’est une décision qui est affligeante, qui me désole profondément”, ajoutait le ministre des Affaires étrangères. De plus, nous avons vu de nombreuses tribunes tout à fait scandaleuses dans lesquelles des personnalités du monde universitaire se positionnaient contre la suspension du partenariat tout en cautionnant le génocide en cours et en reprenant les éléments de langage de la propagande sioniste les plus nauséabond. L’UEJF, organisation étudiante sioniste, allait même jusqu’à envisager des poursuites judiciaires contre la mesure adoptée. Toutes ces attaques politico-médiatiques prouvent encore une fois le soutien inconditionnel de la classe dirigeante de l’État impérialiste français à l’entité sioniste et ont ainsi mis une pression énorme sur les membres du conseil d’administration de l’établissement pour annuler la décision.
La répression que subit le comité Palestine de Sciences po Strasbourg prend également de multiples formes : “refus d’organiser une conférence avec Rima Hassan, intimidations envers des étudiants pro-Palestine, interdiction d’accès à un amphi pour projeter un film sur la Palestine, présence constante de l’administration pendant nos moments d’organisation”. Dans un communiqué, les étudiant·es du comité résumaient ainsi la situation : “les idées décoloniales que nous défendons, notre opposition à un génocide, et nos avancées politiques sont-elles de simples « coups médiatiques » ou bien le grain de sable qui enraye une institution complice l’impérialisme israélien ?”
Durant tout le processus, le directeur de l’établissement, Jean-Philippe Heurtin, n’a pas manqué de crier haut et fort sur tous les médias possibles qu’il était « opposé très fermement” à la suspension du partenariat avec l’Université Reichman et qu’il était “extrêmement peiné” et “honteux de la situation”. User toute son énergie pour maintenir un partenariat avec une université qui apporte un soutien actif à l’armée israélienne, organise des formations en communication pro-gouvernementale et attribue un titre honorifique à un militaire accusé de crimes graves, pour ne pas dire un tueur d’enfants, serait donc moins honteux pour lui que de respecter le vote démocratique de son conseil d’administration.
Ainsi, sans tarder, le directeur avait déposé une contre-motion pour permettre le rétablissement de ce partenariat. Un vote devait se tenir le 3 décembre, mais n’a finalement pas eu lieu grâce à la mobilisation étudiante qui a envahi le conseil d’administration et a fait lever la séance. Durant leur intervention, les étudiant·es ont souligné qu’ “il est terrible que l’on s’indigne davantage pour la suspension du partenariat de l’Université Reichmann que pour la destruction de toutes les universités palestiniennes de la bande de Gaza. Nous exigeons la fin du partenariat avec l’université Reichmann, nous exigeons le retrait de cette motion, et nous exigeons que les voix pour la Palestine ne soient ni censurées ni opprimées dans nos facultés.”
Mais le 18 décembre au soir, la contre-motion a finalement été votée et le partenariat de la honte a été rétabli. Précisons que les débats et le vote se sont tenus en distanciel pour éviter un nouvel envahissement de la salle de réunion. À la suite de ce vote, cinq enseignants-chercheurs de Sciences Po Strasbourg ont démissionné du conseil d’administration, dénonçant un « déni de démocratie universitaire ». Iels terminent leur communiqué en affirmant qu’iels refusent de “d’être complices d’une université qui soutient le massacre de civils et des opérations militaires contraires au droit international à Gaza, au Liban et maintenant en Syrie. »
après deux mois d’invectives et de pressions, le conseil d’administration de Sciences Po Strasbourg a rétabli le partenariat avec Reichman. Nous en tirons les conséquences et démissionnons. pic.twitter.com/pUXEpa63Wn
— Vincent Dubois (@VDuboisLuv) December 19, 2024
Aussitôt, le 23 décembre, 322 étudiant·es signent un communiqué de soutien à leurs professeurs et d’appel à la mobilisation dès la rentrée. Le chiffre des signataires va augmenter jusqu’à 360 durant les jours qui suivent, ce qui représente près d’un tiers des étudiant·es de Sciences po Strasbourg. Cette importante mobilisation, en période de congés, illustre le fait que la direction est minoritaire dans son coup de force et que les étudiant·es sont déterminé·es dans leur combat pour la Palestine. “Ces professeurs nous honorent par leur décision qui s’inscrit dans un engagement humain, intellectuel et pédagogique”, indique le communiqué. Pour organiser la riposte étudiante, le comité Palestine de Sciences po Strasbourg appelle à une AG pour le dimanche 5 janvier à 18h, à la veille de la rentrée.
Le boycott universitaire est une revendication majeure portée par le mouvement étudiant pour la Palestine dès ses débuts. La colonisation sioniste qui dure depuis plus de 76 ans et le génocide en cours à Gaza ne sont possibles que grâce au soutien indéfectible des puissances occidentales à l’État d’Israël et à son système universitaire qui joue un rôle crucial dans le développement des technologies et doctrines militaires. Le boycott universitaire est donc un moyen efficace d’isoler et combattre Israël, en solidarité avec la résistance du peuple palestinien, et les réactions d’hostilités dont il est l’objet en sont le témoignage.
La première victoire obtenue par les étudiant·es de Sciences po Strasbourg a été un exemple et un espoir pour tous·tes les étudiant·es mobilisé·es en France pour la cause du peuple palestinien. Malgré l’énorme répression organisée par le pouvoir macroniste et les directions d’université avec l’exclusion des étudiant·es contestataires, les différentes annulations de conférences et les interventions policières violentes sur les campus, le mouvement étudiant reste debout. Que chacun se tienne à ses côtés !