Lundi, Israël a largué des tracts ordonnant l’évacuation de plusieurs quartiers de la partie est de Rafah et a pilonné toute la zone située à l’extrême sud de la bande de Gaza.

Israël a décrit son escalade présente à Rafah comme une opération « ciblée » suite à une attaque à la roquette par Gaza, la veille, attaque qui a tué quatre de ses soldats occupant une position près de Kerem Shalom, le principal carrefour commercial le long de la frontière entre Gaza et Israël.

Les Palestiniens ont fait état de bombardements incessants et d’un mouvement de chars israéliens venus de l’est de Rafah dans la nuit de dimanche à lundi.

Al Mezan, une organisation de défense des droits humains installée à Gaza, a déclaré que le nouvel ordre d’évacuation, dont il est dit qu’il affecte quelque 100 000 Palestiniens, inclut les zones du passage de Rafah et de Kerem Shalom – les deux points par lesquels passe la majeure partie de l’aide humanitaire destinée au territoire.

Il inclut également l’hôpital al-Najjar, « le principal site médical de tout le gouvernorat de Rafah », a ajouté Al Mezan.

Dimanche soir, les avions de combat israéliens ont ouvert le feu sur 10 maisons de la partie orientale de Rafah, tuant 20 personnes.

Des Palestiniens de Rafah ont déclaré avoir reçu des appels téléphoniques menaçants leur ordonnant d’évacuer. Un grand nombre, sinon la plupart, des personnes qu’Israël cherche à déloger, ont déjà été déplacées à plusieurs reprises au cours des sept mois écoulés.

« Plus de guerre et de famine encore »

 

Josep Borrell, le haut responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, a déclaré que « les ordres d’évacuation adressés par Israël aux civils de Rafah laissent augurer du pire : plus de guerre et de famine encore ».

Il a encore dit qu’Israël devait appliquer la demande de cessez-le-feu du Conseil de sécurité de l’ONU et que l’UE « pouvait et devait agir en vue d’empêcher ce scénario ».

Au cours de la semaine écoulée, Israël a intensifié ses attaques contre Rafah, où sont concentrés 1,3 million de Palestiniens, après avoir été déplacés d’autres régions de Gaza.

La violence accrue, qui a tué des douzaines de civils dans les immeubles résidentiels, a exacerbé la crainte de l’imminence d’une invasion terrestre « susceptible de dégénérer en massacre », pour reprendre les termes du bureau des affaires humanitaires de l’ONU.

Le Hamas accepte, Israël rejette la proposition de trêve

 

Lundi soir, le Hamas annonçait qu’Ismail Haniyeh, le chef de l’aile politique de la faction, avait accepté les grandes lignes d’un accord de cessez-le-feu qu’on lui avait proposé lors d’un échange téléphonique avec le Premier ministre et avec le ministre égyptien des renseignements.

Al Jazeera a rapporté que la proposition impliquait « trois phases, chacune d’une durée de 42 jours ».

La première phase verrait une trêve et le retrait d’Israël du corridor de Netzarim qu’Israël a utilisé pour contrôler les mouvements entre le nord et le sud de la bande de Gaza.

La deuxième phase inclurait « l’approbation d’une cessation permanente des opérations militaires hostiles et le retrait complet des forces israéliennes de Gaza ».

La troisième et dernière phase inclurait « une disposition d’approbation de la fin du blocus contre Gaza » qu’Israël impose depuis 2007.

Lundi, Khalil al-Hayya, un haut responsable du Hamas, a déclaré à Al Jazeera – dont les bureaux à Jérusalem ont été fermés suite à un vote du cabinet de Netanyahou – qu’un échange de prisonniers serait mis au point le 35e jour de la trêve.

Israël s’est empressé de rejeter la proposition de l’Égypte et du Qatar, disant qu’elle « incluait des ‘conclusions extrêmes’ » qu’il ne pouvait accepter, rapporte Reuters.

Lundi soir, le cabinet de guerre de Netanyahou a décidé à l’unanimité de poursuivre l’opération militaire à Rafah « afin d’appliquer une pression militaire sur le Hamas, dans le but de réaliser des progrès concernant la libération des otages et les autres buts de guerre », a déclaré le bureau du Premier ministre.

Benjamin Netanyahou avait déjà dit à maintes reprises qu’Israël envahirait Rafah sans égard pour le moindre accord de cessez-le-feu.

L’analyste israélien Yossi Verter, qui écrit dans le quotidien Haaretz, a accusé Netanyahou de torpiller – et ce n’est pas la première fois – les négociations de cessez-le-feu qui assureraient la libération des captifs restants détenus à Gaza depuis le 7 octobre.

Verter a expliqué que Netanyahou avait parié sur le rejet par le Hamas de la proposition de l’Égypte et du Qatar, et ce, afin de préserver sa coalition au pouvoir. En poursuivant la guerre de façon à pouvoir prolonger sa carrière politique on ne peut plus compromise, Netanyahou risque non seulement les vies des captifs détenus à Gaza mais il consolide également le statut d’Israël en tant qu’État paria à l’échelle mondiale, poursuivait Verter.

Il n’est pas le seul observateur à déclarer que les actions de Netanyahou sabotent toute possibilité d’accord.

Un dirigeant israélien resté anonyme a expliqué au New York Times qu’un marché avec le Hamas était devenu de plus en plus proche ces derniers jours, mais que « les déclarations concernant Rafah avaient poussé le Hamas à durcir ses revendications dans une tentative en vue de garantir que les forces israéliennes n’entreraient pas dans la ville », pouvait-on lire dans le journal.

Les commentaires de Netanyahou ont incité le Hamas à chercher « d’autres garanties qu’Israël ne se limiterait pas à appliquer simplement une partie de l’accord avant de reprendre les combats », ajoutait le journal.

Un haut responsable américain resté anonyme a déclaré à l’adresse de Reuters que « Netanyahou et son cabinet de guerre n’avaient en fait pas abordé de bonne foi la dernière phase des négociations [avec le Hamas] ».

 

Un point de friction

 

Osama Hamdan, un important porte-parole du Hamas, a déclaré samedi que le principal point de friction dans les pourparlers de trêve était « le cessez-le-feu complet et le retrait total de Gaza », que le Hamas demande et qu’Israël rejette.

Hamdan a expliqué que seuls les EU seraient en mesure d’exercer des pressions sur Israël pour que ce dernier accepte un marché en vue de mettre un terme au bain de sang à Gaza, au cours duquel quelque 35 000 Palestiniens ont été tués en l’espace d’un peu plus de 200 jours.

La balle est désormais dans le camp de Washington si l’on désire empêcher Israël de renier ses propres engagements, ressort-il de l’analyse d’Osama Hamdan.

Lors d’une conférence de presse ce lundi, le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a déclaré qu’un cessez-le-feu était « absolument réalisable » et qu’« une opération majeure à Rafah ne fait pas partie des choses que nous pouvons soutenir ».

Mais Miller n’a pas précisé les actions, pour autant qu’il y en ait, qu’entreprendraient les EU si Israël allait de l’avant avec une opération de ce genre. Il a fait remarquer que toute offensive militaire à Rafah « compliquerait de façon incroyable » tout accroissement de l’aide, comme aimerait y assister Washington.

Des responsables israéliens ont dit sur Axios que, récemment, l’administration Biden avait imposé une attente au transfert de munitions vers Israël et que les dirigeants américains avaient refusé de commenter la chose.

Washington n’a cessé de prétendre qu’il s’opposait à une opération à Rafah sans un plan viable en vue d’assurer la protection des civils. Le Pentagone a proposé à Israël ce qu’il qualifie d’approche alternative, en plusieurs phases, de l’objectif d’Israël consistant à démanteler quatre bataillons du Hamas présents dans la zone.

Le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a dit qu’il « était impossible d’organiser en toute sécurité une évacuation massive à cette échelle ».

Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, a déclaré que “l’ONU ne participerait à aucune des évacuations involontaires ni à l’établissement de la moindre zone de déplacement dans le sud de Gaza”.

L’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, qui est la plus importante source d’aide humanitaire à Gaza, a déclaré qu’elle n’évacuerait pas Rafah.

L’agence avait tenu compte des ordres israéliens d’évacuer le nord de Gaza, lors de la phase initiale du génocide. Les organisations palestiniennes de défense des droits humains et autres organisations humanitaires ont condamné cette décision, la qualifiant d’abandon des principes des lois internationales humanitaires et ajoutant qu’elle facilitait la dépopulation par Israël de la zone.

Lundi, Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU pour la Cisjordanie et la bande de Gaza, a réclamé « un embargo, des sanctions et des désinvestissements immédiats concernant les armes ».

En commentant l’interdiction d’Al Jazeera, dont elle a dit qu’il s’agissait « de la seule société de médias à traiter les massacres » à Gaza, Francesca Albanese a posé une question : « Existe-il encore une seule limite qu’Israël ne pourrait franchir ? »

 

Article de Maureen Clare Murphy, rédactrice en chef de The Electronic Intifada, paru initialement le 6 mai 2024

 

Source : The Electronic Intifada – Traduction : Plateforme Charleroi-Palestine