Lundi, après s’être opposés aux multiples demandes de cessez-le-feu au Conseil de sécurité des Nations unies et s’être abstenus sur d’autres, les États-Unis ont assisté à l’adoption de leur appel à un accord en trois phases visant à mettre un terme aux hostilités entre Israël et le Hamas et à pouvoir procéder à un échange de prisonniers.

Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, était de retour dans la région cette semaine afin de tenter de pousser le Hamas et Israël à accepter le marché. Le premier diplomate de Washington pointait du doigt l’intransigeance du Hamas, même si Benjamin Netanyahou insiste toujours pour poursuivre la guerre jusqu’à « l’élimination du Hamas ».

Le Hamas, par contre, a favorablement accueilli la proposition mise sur la table par le président américain Joe Biden dans son discours du 31 mai, dans lequel il mettait Israël en garde contre une « guerre sans fin à la poursuite d’une notion ‘non identifiée’ de victoire totale ».

Il a expliqué que cela « ne ferait qu’enliser Israël à Gaza, assécher les ressources économiques, militaires et humaines et accroître l’isolement d’Israël dans le monde ».

Mercredi, Blinken a fait preuve de son extrême déficience dans l’art de la diplomatie en blâmant de façon surprenante le Hamas de n’avoir pas accepté immédiatement le plan de Biden, que les États-Unis avaient décrit comme une proposition israélienne, malgré toutes les preuves du contraire.

Une position restée constante

 

Le Hamas insiste sur le fait qu’il ne cherche que des changements mineurs, dans la proposition de Washington, y compris des garanties de la part des médiateurs qu’Israël « n’éludera pas ses responsabilités », comme l’a dit mercredi Osama Hamdan, un haut responsable du parti.

La position du Hamas qui, au contraire de Netanyahou, veut mettre un terme à la guerre, est restée constante.

Le Hamas, qui s’appuie sur les demandes des Palestiniens qui ont enduré des mois de génocide à Gaza, cherche un cessez-le-feu permanent, un retrait complet de l’armée israélienne du territoire, un échange de prisonniers, pas de réduction du territoire de Gaza ni d’altération de sa démographie, et le retour dans leurs foyers des personnes déplacées internes.

Prenant la parole lors d’une conférence organisée par un groupe de pression pro-israélien à Washington, Jake Sullivan, le conseil de Biden en matière de sécurité nationale, a déclaré que l’administration partageait toujours l’intention de Netanyahou d’écarter le Hamas en tant qu’autorité gouvernante.

Biden « a déclaré explicitement que la voie vers l’avant était un Gaza où le Hamas ne serait plus au pouvoir », a expliqué Sullivan mardi, lors du Forum mondial du Comité juif américain.

Sullivan a ajouté qu’un cessez-le-feu à Gaza allait engendrer « le calme au Liban » et permettre aux Israéliens déplacés du nord de retourner dans leurs foyers (des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées au Liban aussi mais, manifestement, cela préoccupe beaucoup moins Sullivan).

Un refroidissement de ce qu’on appelle le front nord d’Israël ne serait pas anodin. Les Etats-Unis tentent la désescalade, après que le Hezbollah a lancé plus de 200 roquettes et drones sur Israël mercredi et a attaqué neuf sites militaires jeudi, à la suite de l’assassinat, mardi, d’un important commandant de la résistance.

Cette semaine ont eu lieu les tirs les plus intenses de l’organisation vers Israël depuis qu’un conflit d’intensité moyenne a commencé au lendemain du 7 octobre. Les attaques transfrontalières ont tué plus de 300 combattants du Hezbollah et quelque 80 civils au Liban, contre 18 militaires et 10 civils en Israël, estime Reuters.

À plusieurs reprises, le Hezbollah a fait entendre clairement que la désescalade n’aurait lieu qu’après la décision d’un cessez-le-feu à Gaza. L’organisation avait interrompu ses tirs durant la trêve d’une semaine entre Israël et le Hamas, en novembre.

Sullivan a également dit qu’un arrangement à Gaza déboucherait aussi sur l’implication des États arabes « à la fois dans la stabilisation et la reconstruction » du territoire et préparerait la voie à la normalisation avec Israël.

Ce plan du « lendemain » montre que l’administration Biden est toujours engagée à contourner l’autodétermination et à favoriser un changement de régime à Gaza.

Le recours actuel à la famine organisée comme arme de guerre et l’usage de l’aide humanitaire comme une monnaie d’échange constituent une évolution naturelle depuis le siège imposé en 2007. Le blocus était une tentative en vue de dresser le peuple contre le Hamas mais n’a eu pour résultat que de plonger les Palestiniens de Gaza dans la misère et le désespoir.

Le siège et les offensives militaires israéliennes répétées contre Gaza, caractérisés par le ciblage des civils et des infrastructures civiles, a préparé la voie au génocide qui a lieu aujourd’hui. L’impunité accordée à Israël par les EU constitue un facteur primaire dans la détérioration de la situation à Gaza à un point inimaginable et qui ne fait qu’empirer de jour en jour.

Choquant

 

La complicité des États-Unis et le fait qu’ils sont en même temps les coauteurs du génocide ont été bien établis, mais la façon dont cela s’est manifesté reste choquante.

Tant Sullivan que Blinken ont encensé une opération militaire israélienne au cours de laquelle quatre otages israéliens ont été récupérés à Gaza, alors que près de 300 Palestiniens ont été tués dans l’action.

Faisant la preuve du désengagement total de l’administration Biden dans l’horrible réalité endurée par les Palestiniens sur le terrain et de la normalisation du carnage à Gaza, Sullivan a encensé les actions de l’armée israélienne. Il a décrit « l’opération audacieuse » comme « couronnée de succès », sans faire mention des Palestiniens abattus et bombardés sans le moindre avertissement.

Les louanges officielles des Etats-Unis sont venues au moment où une bonne partie du monde était horrifiée à la vue des vidéos et des photos qui n’avaient pas tardé d’affluer après l’opération et qui montraient des civils abattus en rue et des enfants, morts comme vivants, avec leurs organes exposés.

Le ton du Sullivan était plus sobre, le lendemain dimanche, sur le circuit du talk-show, quand il avait reconnu que « des innocents avaient été tués de façon tragique, au cours de cette opération ». Il avait blâmé le Hamas d’avoir « agi d’une façon qui l’exposait à des tirs croisés » et de garder « les otages au cœur même de zones civiles peuplées ».

Mais rien de ce que Sullivan a dit du Hamas n’allait dégager Israël de ses obligations sous les lois de la guerre, comme l’a déclaré dans les médias sociaux l’ancien fonctionnaire du département d’État américain, Brian Finucane.

À la suite du massacre de Nuseirat, le bureau du responsable des droits humains à l’ONU a fait savoir que la détention d’« otages, dont une majorité de civils » par les organisations armées palestiniennes à Gaza « est interdite par les lois internationales humanitaires ».

Le bureau de l’ONU a ajouté que détenir des captifs dans des zones densément peuplées « augmentait les risques pour la vie des civils palestiniens, ainsi que pour celle des otages mêmes ».

Mais le bureau a encore dit qu’il était « profondément choqué par l’impact sur les civils » lors du raid de Nuseirat.

« La façon dont le raid a été mené dans une zone aussi densément peuplée incite sérieusement à se demander si les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution – tels que définis par les lois de la guerre – ont bien été respectés par les forces israéliennes », a ajouté le bureau de l’ONU.

Un rapport initial rédigé par trois organisations palestiniennes des droits humains affirme qu’au moins 274 personnes ont été tuées en 75 minutes, durant lesquelles les forces israéliennes ont opéré sous des déguisements civils, « ce qui peut équivaloir au crime de guerre de perfidie ».

« Une danse bizarre »

 

La ligne toujours répétées par les fonctionnaires de Biden – peut-être en réponse à la croyance répandue que le président américain peut ordonner à Netanyahou de faire cesser la guerre sur un simple coup de fil – est que le Hamas peut faire cesser le bain de sang d’un simple mot, en disant « oui » à la proposition de Washington.

« Les combats pourraient cesser aujourd’hui – et les otages pourraient rentrer chez eux aujourd’hui – si le Hamas donnait son accord au marché », a déclaré lundi Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice de Biden à l’ONU, tout en insistant que le fait qu’Israël avait donné son accord au marché, même si ce n’était pas le cas.

Craig Mokhiber, un ancien haut fonctionnaire de l’ONU, a déclaré que « cette danse bizarre des Etats-Unis autour de l’accord (ou du non-accord) de cessez-le-feu semble constituer un effort cynique », en vue de détourner l’attention de la violation par Israël des demandes juridiquement contraignantes de la Cour internationale et d’en rejeter le blâme sur le Hamas.

Il a déclaré que cela semblait également constituer une tentative des EU en vue de « retirer le contrôle de l’affaire des mains de l’ONU (…) et de détourner l’attention du monde des atrocités en cours d’Israël ».

Selon Mokhiber, ces efforts « ne marchent pas ».

Mais les efforts américains prolongent la guerre génocidaire d’Israël, au cours de laquelle plus de 37 000 Palestiniens ont été tués à Gaza.

Un grand nombre des Israéliens et des ressortissants étrangers capturés le 7 octobre et détenus à Gaza ont perdu la vie eux aussi.

Le père d’un Russo-Israélien libéré de sa captivité à Gaza samedi a déclaré que lui et sa femme avaient espéré que leur fils aurait été libéré par voie diplomatique, encore qu’ils en eussent perdu l’espoir lorsque aucun accord ne s’était matérialisé.

Déplorant les morts des Palestiniens tués au cours de l’opération, il a expliqué que « s’il y avait eu une possibilité d’éviter ces victimes, cela eût bien mieux valu ».

Cette possibilité a toujours existé, mais il eût fallu que les Etats-Unis agissent d’une tout autre façon que comme principal facilitateur des crimes d’Israël.

Article de Maureen Clare Murphy, rédactrice en chef de The Electronic Intifada, paru initialement le 14 juin 2024

 

Source : The Electronic Intifada – Traduction : Plateforme Charleroi-Palestine