Pour de très grands nombres de Palestiniens, Udai Tamimi est un modèle. Il a été tué en défendant sa patrie et la dignité de son peuple. Le 8 octobre, Tamimi a abbatu un soldat israélien près de Shuafat, un camp de réfugiés de la région de Jérusalem. Bien que nombre de soldats aient été présents sur les lieux, aucun n’était parvenu à capturer ou à tuer Tamimi. Après sa fuite, Tamimi était resté en liberté pendant onze jours.

Pendant ce temps, les forces israéliennes avaient complètement bloqué Shuafat et mené des recherches très minutieuses pour tenter de situer Tamimi. Les habitants du camp avaient fait tout ce qu’ils pouvaient pour contrecarrer la chasse à l’homme. Bien des jeunes s’étaient rasé la tête de façon à ressembler à Tamimi et à tromper les soldats israéliens à sa recherche.

Le 19 octobre, Tamimi sortait de la clandestinité de façon particulièrement dramatique. Il le faisait en tirant sur des agents de sécurité israéliens près de Maaleh Adumim, une énorme colonie implantée en Cisjordanie. Tamimi a rapidement essuyé des tirs, mais a continué à tirer alors qu’il était allongé sur le sol, blessé. Il est mort peu de temps après.

Une fois sa mort confirmée, la presse israélienne avait publié une vidéo de Tamimi s’écroulant sous une pluie de balles. Il n’est pas certain que l’intention derrière la diffusion de ces images ait été d’apaiser les craintes israéliennes ou d’humilier les Palestiniens. Quelle qu’ait été cette intention, la démarche a eu un effet contraire. Grâce à la vidéo, nous avons une preuve on ne peut plus claire de la bravoure exceptionnelle de Tamimi. Les derniers moments de Tamimi montrent la victime palestinienne tenant tête à l’agresseur israélien. Un Palestinien dont la patrie a été volée a encouru la mort. Une telle bravoure ne surgit pas de nulle part. Elle découle d’une croyance en la justice de la cause palestinienne.


La force motrice

 

L’histoire d’Udai Tamimi doit être placée dans un contexte plus large. Ces quelques derniers mois, la situation en Cisjordanie s’est modifiée de façon remarquable. Un esprit neuf s’est développé. Les gens se sont découvert une force nouvelle. Chaque jour, des Palestiniens entreprennent l’une ou l’autre action de résistance ou de protestation contre l’occupation israélienne.

La force motrice de cette recrudescence de la résistance, ce sont les jeunes qui n’ont pas participé à la Première ou à la Deuxième Intifada. Udai Tamimi avait tout juste 22 ans. Ibrahim al-Nabulsi, tué par l’armée israélienne en août, était né en 2003. Al-Nabulsi n’était pas né lorsque l’opération « Bouclier défensif » – l’invasion par Israël des villes de Cisjordanie nominalement sous contrôle de l’Autorité palestinienne – avait eu lieu en 2002. Tamimi, lui, était trop petit pour s’en souvenir. Alors qu’ils n’étaient pas conscients de ces horreurs à l’époque, ils ont grandi en expérimentant l’oppression au quotidien. Ils ont grandi au milieu des humiliations constantes infligées aux Palestiniens aux check-points militaires israéliens. Ils ont grandi sur la toile de fond du mur d’Israël en Cisjordanie.

L’an dernier, Israël a agressé des fidèles à la mosquée al-Aqsa, l’un des principaux lieux saints de l’Islam. Cet acte sacrilège a fait partie des nombreux crimes commis par Israël à Jérusalem – une ville que les sionistes sont activement occupés à coloniser. L’indignation déclenchée par ces obscénités et d’autres encore ont rempli les jeunes combattants palestiniens d’une grande ferveur révolutionnaire. La résistance qui se développe actuellement en Cisjordanie ne semble pas avoir été planifiée par les dirigeants des principales factions palestiniennes.

Ces dernières semaines, une organisation connue sous le nom de la Fosse aux Lions a revendiqué la responsabilité de nombreuses actions de résistance contre l’armée israélienne. Cantonnée à Naplouse, cette organisation compte en ses rangs des membres de toutes les factions palestiniennes. Ceci représente un nouveau sens de la coopération chez les jeunes Palestiniens – une coopération qui ne s’appuie pas sur les factions traditionnelles.

 

Une volonté de défi

 

Fathi Khazem est un Palestinien qui doit se cacher de l’armée israélienne. Les soldats israéliens ont tué deux de ses enfants ces derniers mois, ils ont démoli la maison de sa famille et n’ont pas cessé de le poursuivre. Il a refusé de se rendre. Fathi Khazem est un ancien agent de sécurité de l’Autorité palestinienne. Sa volonté de défier l’occupation israélienne prouve que l’esprit révolutionnaire reste fort, chez les Palestiniens.

Avant d’être tué, Udai Tamimi a rédigé une note manuscrite qui a été postée sur Internet. « Je suis Udai Tamimi, un homme recherché du camp de réfugiés de Shuafat », dit le message manuscrit. « Mon opération contre le check-point de Shuafat est une goutte d’eau dans la mer déchaînée de la lutte. Je sais que j’atteindrai le martyre tôt ou tard. Je sais que je ne libérerai pas la Palestine avec mon opération, mais je veux encourager des centaines de jeunes à ramasser leurs armes après moi. »

Ibrahim al-Nabulsi a enregistré un message vocal peu avant sa mort, des mains de soldats israéliens. De même qu’il assurait sa mère de son amour, il invitait instamment ses camarades à ne pas abandonner leurs armes après sa mort. Au cours de la semaine écoulée, Israël a tué le combattant de la Fosse aux Lions Tamer al-Kilani. Il avait rédigé un message sur Facebook, qui affirmait que « le pire de l’humanité, c’est une personne qui reste neutre dans une nation où la vérité lutte contre le mensonge ».

De tels messages sont les dernières volontés et le testament d’un combattant palestinien. Ils sont largement diffusés après la mort de leurs auteurs. Les jeunes Palestiniens voient leur résilience renforcée par ces messages. Leur authenticité est manifeste parce que les combattants qui les ont écrits ou enregistrés ont affronté sans détours l’occupation israélienne. Il y a très peu de temps encore, il était facile de désespérer de la situation de la Cisjordanie. Israël et sa « coordination sécuritaire » avec l’Autorité palestinienne avait considérablement rétréci le champ d’application de la résistance.

Le changement de ces quelques derniers mois ne pouvait passer inaperçu. Alors qu’Israël et l’AP peuvent parvenir à limiter d’une façon ou d’une autre les actions entreprises par les combattants, ils ne détruiront pas la détermination des Palestiniens à vouloir résister. Israël s’obstine à nier cette nouvelle situation. Il a ignoré la cause fondamentale de la résistance palestinienne en Cisjordanie – l’occupation. Qu’importe combien de fois Israël va pouvoir penser qu’il est venu à bout des Palestiniens : toujours, la résistance renaîtra.

 

Article d’Ahmed Abu Artema, écrivain, militant et réfugié palestinien originaire de Ramle.

 

Source : Electronic Intifada – Traduction : Plateforme Charleroi pour la Palestine