Israël pourrait bien ne pas atteindre son but déclaré qui est d’éliminer le Hamas de Gaza. Son armée continue de subir de lourdes pertes, avec 24 soldats tués entre le 22 et le 26 décembre.

Mais il apparaît qu’Israël se rapproche malgré tout de la concrétisation de son but stratégique de plus en plus évident : purger le territoire de sa population palestinienne.

Le ministère palestinien de la santé à Gaza a déclaré mardi que plus de 240 personnes avaient été tuées au cours des dernières 24 heures, portant le nombre de morts dans le territoire à 20 915 depuis le 7 octobre.

Plusieurs milliers d’autres personnes sont portées manquantes, dont de nombreuses se trouvent sous les décombres des immeubles détruits par Israël.

Mardi, Israël a transféré les corps de quelque 80 personnes non identifiées via le passage commercial de Kerem Shalom, dans le sud de Gaza.

« Ils étaient enterrés dans une fosse commune », a rapporté l’agence d’information AP.

« Selon les médias israéliens, les corps ont été emportés en Israël pour examen, afin de déterminer s’il ne s’y trouvait pas d’otages », a déclaré le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

 

Une « migration volontaire »

 

Ces derniers jours, Benjamin Netanyahou, le Premier ministre d’Israël, aurait dit à des députés de son parti (le Likoud) à la Knesset qu’il encourageait la « migration volontaire » des Palestiniens de Gaza.

Il a expliqué que la problématique avait trouvé « des pays disposés à absorber [ces migrants palestiniens], et nous y travaillons ».

« Migration volontaire » est un euphémisme pour expulsion massive et forcée des Palestiniens de Gaza – une proposition avancée tout au long de la guerre par d’importants hommes politiques israéliens, tel le ministre des finances Bezalel Smotrich.

Éloigner les Palestiniens de leur patrie de façon à pouvoir les remplacer par des colons juifs étrangers a toujours été le seul principe organisateur de l’État d’Israël.

À l’époque de la déclaration de l’État d’Israël, en 1948, les forces sionistes ont forcé des centaines de milliers de Palestiniens à quitter leurs terres.

Les opérations militaires d’Israël à Gaza – qui ont rendu le territoire impropre au maintien de l’existence humaine à cause de la destruction du logement, des sites médicaux et autres infrastructures essentielles – ont pour but, en fait, de forcer les expulsions à une échelle similaire, voire plus grande encore qu’en 1948.

Les ordres d’évacuation d’Israël poussent les 2,3 millions de Palestiniens de la population de Gaza vers une zone côtière de plus en plus étroite à proximité de la frontière égyptienne :

Lundi, Israël a largué des tracts ordonnant l’évacuation d’un quartier de Khan Younis, dans le sud de Gaza, où s’étaient réfugiées des personnes déjà déplacées d’autres parties du territoire.

Trois organisations palestiniennes – Al-Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) – ont déclaré que chaque nouvelle procédure de déportation provoquait la perte de nombreuses vies humaines, du fait que les gens sont poussés vers des zones où il n’y a de place nulle part pour les abriter.

« Puisqu’il ne propose aucune garantie de retour, le transfert forcé et la déportation d’une population importante au-delà des frontières constituerait une grave infraction aux lois internationales, équivalant à des atrocités de masse », a déclaré mardi Jan Egeland, le responsable du Norwegian Refugee Council (Conseil norvégien des réfugiés).

Dans une interview réalisée par la radio nationale, Danny Danon – un député israélien appartenant au Likoud et qui s’est dit publiquement très favorable à la « migration volontaire » – a prétendu qu’il avait reçu des requêtes de pays disposés à accueillir des réfugiés de Gaza.

« J’ai reçu des requêtes de divers pays (…) qui sont disposés à accueillir des réfugiés et qui, dans le passé, étaient même en contact avec l’État d’Israël à propos de cette question (…) Ce sont des pays d’Amérique du Sud et d’Afrique », a déclaré Danon à la radio Kan Bet.

« Certains d’entre eux ont demandé d’être payés et d’autres ont demandé autre chose », a ajouté Danon.

Lundi, Netanyahou a posé pour une photo en compagnie de soldats israéliens dans le nord de Gaza. Sur place, le dirigeant israélien a déclaré :

« À toute personne qui parle d’arrêter [la guerre, je dis que] cela n’existe pas ! »

Dans une tribune publiée par The Wall Street Journal le même jour, Netanyahou a mis en exergue les trois conditions de son cabinet de guerre pour faire cesser le conflit à Gaza : « Nous devons détruire le Hamas, démilitariser Gaza et déradicaliser l’ensemble de la société palestinienne. »

Le même jour, Netanyahou s’est fait chahuter par les proches des douzaines d’Israéliens qui sont toujours détenus à Gaza.

« Maintenant ! Maintenant ! », criaient les proches des captifs pendant que Netanyahou prononçait à la Knesset un discours où il s’engageait à poursuivre la guerre.

Bien des membres des familles des captifs ont réclamé leur libération, quel qu’en soit le prix. Le Hamas a avancé des propositions d’échange de tous les captifs à Gaza en échange de tous les Palestiniens détenus par Israël dans ses prisons et centres de détention.

Netanyahou insiste en disant que seule la pression militaire va assurer leur libération. Les Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, continuent de prétendre que les captifs se font tuer par les frappes israéliennes.

L’armée israélienne a fait savoir dimanche qu’elle avait retrouvé les corps de cinq captifs dans un tunnel dans le nord de la bande de Gaza.

« L’annonce est venue un jour après que les Brigades Qassam ont déclaré avoir perdu le contact avec un groupe responsable de cinq otages israéliens, ajoutant que les otages pouvaient avoir été tués au cours des frappes israéliennes », a rapporté l’agence Anadolu.

 

Des douzaines de personnes massacrées dans le centre de Gaza

 

Chaque jour apporte ses nouvelles horreurs et révélations des atrocités israéliennes à Gaza.

Le bureau des Nations unies pour les droits humains a déclaré mardi que l’armée israélienne avait effectué 50 frappes aériennes dans le centre de Gaza entre les 24 et 25 décembre, frappant trois camps de réfugiés.

Un total combiné d’au moins 131 personnes ont été tuées aux camps d’al-Maghazi et d’al-Bureij.

Les routes reliant les camps d’al-Maghazi, al-Bureij et Nuseirat ont été détruites, « empêchant l’aide d’atteindre ceux qui en ont besoin », a déclaré le bureau des droits humains de l’ONU.

Dans le sud de Gaza, le ministère de la santé a déclaré qu’il craignait qu’Israël ne répète au Complexe médical Nasser de Khan Younis ce qu’il a fait à al-Shifa et dans d’autres hôpitaux assiégés et mis dans l’impossibilité de fonctionner en raison de ses actions.

Lundi, le ministère de la santé à Gaza a déclaré que les blessés mouraient de complications résultant du manque de traitement.

Entre-temps, a ajouté le ministère, le mécanisme utilisé pour le transfert des victimes en dehors de Gaza « est inefficient », et il en résulte la mort de centaines de personnes. Le ministère a réclamé un nouveau mécanisme afin d’assurer la sortie de 5 000 patients qui ont besoin d’un traitement de toute urgence.

Plus de 70 personnes ont été tuées lors d’une attaque israélienne contre le camp de réfugiés d’al-Maghazi, dans le centre de Gaza, a déclaré lundi le ministère de la santé.

La veille de Noël a été l’une des nuits les plus meurtrières des 11 semaines d’incessants bombardements par Israël.

Le lendemain, lors de son message de Noël, le pape François a dit que « les enfants qui meurent dans les guerres, y compris à Gaza, sont les ‘petits Jésus d’aujourd’hui’ et que les frappes israéliennes récoltent une ‘épouvantable moisson’ de civils innocents », a rapporté Reuters.

 

Des exécutions sommaires

 

L’Observatoire-Réseau euro-méditerranéen des droits humains (REMDH) a déclaré lundi qu’il avait « répertorié des douzaines de cas d’exécutions sommaires perpétrées par l’armée israélienne dans la bande de Gaza ».

L’organisation, qui a son siège à Genève, a expliqué qu’elle avait soumis un rapport prioritaire sur les exécutions sommaires à des experts et enquêteurs indépendants de l’ONU sur les droits humains, ainsi qu’à la Cour pénale internationale (CPI).

(REMDH) a affirmé que, le 22 décembre, six civils de la famille al-Khalidi avaient été exécuté au cours d’un raid dans leur maison, située dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. La veille, un couple de personnes âgées avaient été abattues et avaient été abandonnées sur place, perdant leur sang jusqu’à ce que mort s’ensuive, après avoir été expulsées de force de chez elles, rue Yarmouk à Gaza.

Le 10 décembre, neuf civils, dont des enfants, ont été exécutés par des soldats à l’intérieur de l’école Shadi Abu Ghazaleh, transformée en refuge, à Jabaliya, dans le nord de Gaza.

Youssef Khalil, un homme âgé, a raconté à REMDH que les soldats israéliens avaient ouvert le feu sur sa famille dans une classe de l’école Shadi Abu Ghazaleh. Khalil avait été retenu par l’armée pendant plusieurs jours, « au cours desquels il avait subi des actes de violence et de torture ».

Une fois libéré, quelques jours plus tard, Khalil avait retrouvé les corps des membres de sa famille en état de décomposition, là où ils avaient été assassinés.

Saeed Jumaa, dont la sœur a été tuée dans l’école, a déclaré à Al Jazeera qu’il l’avait trouvée morte dans la même pièce sue son mari et leurs enfants. Jumaa a ajouté que quelque chose avait été écrit en hébreu sur le visage d’un de ses neveux et que tous avaient été tués « à bout portant ».

REMDH a également répertorié l’exécution le 10 décembre de Munir al-Najjar quand il était chez lui avec sa mère, au camp de réfugiés de Jabaliya.

Abulfadl al-Najjar, frère de Munir et employé de l’ONU, a parlé à Al Jazeera du raid israélien dans la maison de sa famille ce jour-là. Abulfadl avait dit en hébreu à l’un des soldats qu’il n’y avait que des civils, dans le bâtiment, mais les militaires s’étaient mis à leur tirer dessus, sur lui et sa famille, blessant son fils et sa nièce.

On avait ordonné aux membres de la famille Abulfadl de se déshabiller et de se rassembler dans une pièce.

Abulfadl a expliqué qu’on lui avait demandé s’il était un employé de l’ONU et, quand il avait confirmé la chose, on l’avait emmené et interrogé à quatre reprises et accusé d’appartenir au Hamas ; on lui avait également demandé où il était le 7 octobre.

Abulfadl a raconté que son frère avait été exécuté sous les yeux de sa mère, qu’il avait été abattu d’une balle sous le menton, qui lui avait littéralement arraché la tête.

« Je blâme l’ONU du fait que son personnel ne bénéficie d’aucune protection », a encore dit Abulfadl.

 

Des squelettes humains dans les rues du nord de Gaza

 

Des membres de la Défense civile palestinienne ont déclaré mardi qu’ils avaient retrouvé dans les rues du nord de Gaza des cadavres à l’état de squelettes après avoir été exposés pendant de nombreuses journées :

À Beit Hanoun, une ville du nord de l’enclave où l’armée israélienne s’est livrée à des destructions massives, des restes d’enfants à l’état de squelettes ont été retrouvés dans les rues.

Les corps de plus de 50 personnes ont été retrouvés à Sheikh Radwan, dans le nord de Gaza, a fait savoir Al Jazeera mardi. La plupart se trouvaient sous les décombres d’immeubles détruits.

Des coups de feu ont éclaté alors qu’Al Jazeera était en reportage dans les environs : l’armée israélienne était toujours à l’œuvre dans le voisinage.

La chaîne montrait des hommes en train de creuser une fosse commune à l’intérieur même d’une résidence détruite par les bombes, dans le même temps que les Palestiniens vivant dans le coin disaient qu’il n’y avait rien à manger ou à boire. Des personnes qui avaient été blessées la veille étaient évacuées à bord d’un camion de livraison de carburant.

Les corps de plusieurs personnes de la même famille gisent par terre, enveloppés dans des draps, après une attaque israélienne contre une maison qui a tué deux douzaines de Palestiniens environ.

Des publications palestiniennes ont diffusé une vidéo d’un homme qui affirme que sa famille a été massacrée au moment où des militaires ont fait irruption chez un de ses proches à Sheikh Radwan.
Le survivant a expliqué qu’il s’était caché sous le corps de son oncle pendant trois jours afin que les soldats ne sachent pas qu’il était toujours vivant :

 

Source : The Electronic Intifada – Traduction : Jean-Marie Flémal – Charleroi pour la Palestine