Alors que tous les regards sont braqués sur le génocide perpétré par Israël contre les Palestiniens dans la bande de Gaza, les colons israéliens continuent de voler des terres et des biens privés palestiniens un peu partout en Cisjordanie occupée.

Les colons israéliens ont établi une dizaine d’« avant-postes » dans la région. Israël utilise ce terme pour désigner de petites colonies nouvelles installées par les colons en violation de toutes les réglementations, même celles d’Israël, mais avec la permission tacite, pour ne pas dire le soutien complet, des forces d’occupation.

Toutes les colonies implantées par Israël en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est et les hauteurs syriennes du Golan, sont illégales selon les lois internationales et sont considérées comme un crime de guerre.

L’organe qui surveille les colonies israéliennes, Peace Now (la paix maintenant) a fait état d’une « poussée sans précédent » dans un rapport publié le mois dernier, disant que les colons « persistaient à s’emparer du contrôle de la Zone C », c’est-à-dire les 60 pour 100 de la Cisjordanie occupée sous contrôle complet de l’armée israélienne.

Les colons construisent « des avant-postes, des routes, des clôtures et des blocages routiers » pour empêcher tout mouvement palestinien entre leurs villes et villages et provoquer ainsi les faits sur le terrain.


La violence des colons

Les colons israéliens intimident également les Palestiniens dans l’espoir qu’ils quitteront leur terre. Ils les menacent à la pointe du fusil, vandalisent leurs propriétés, entravent leur accès à l’eau, détruisent leurs arbres, endommagent leurs véhicules, volent leurs biens, les intimident et les agressent physiquement.

La violence des colons a considérablement augmenté, depuis le 7 octobre, avec la protection et la collaboration de l’armée israélienne.

Les colons ont mené plus de 350 attaques contre les Palestiniens, depuis le 7 octobre, rapporte l’organe de contrôle de l’ONU, l’OCHA. La grande majorité de ces incidents impliquent des dégâts aux propriétés, mais environ 10 pour 100 de ces mêmes incidents se traduisent par des blessures du côté palestinien.


La récolte des olives

En 2023, les autorités israéliennes d’occupation ont imposé des restrictions aux Palestiniens pour la récolte annuelle de leurs olives en Cisjordanie occupée.

Une moitié des fermiers palestiniens environ ont été dans l’impossibilité de récolter leurs olives dans la zone, selon un nouveau rapport émanant de l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem.

La récolte des olives – en octobre et novembre – est l’un des événements les plus importants de l’année dans toute la Palestine historique. En Cisjordanie, c’est un élément clé de l’économie locale et une source cruciale de revenus pour des dizaines de milliers de familles.

Au fil des années, les attaques des colons israéliens ont mis en danger tout le processus de la récolte des olives, qui prend des semaines et inclut également la préparation de la terre pour l’hiver.

Au lieu de traiter directement les agressions commises par les colons, l’armée d’occupation en rejette la responsabilité sur les Palestiniens en les forçant à coordonner leur récolte à l’avance.

Non seulement cette stratégie est incapable d’aborder la violence contre les Palestiniens, mais on ne peut non plus compter sur la présence des soldats israéliens en dépit de la coordination préalable. Même quand ils débarquent sur place, « ils ne préviennent pas la violence ni ne l’empêchent, mais souvent y participent eux-mêmes ».

« Nous sommes parvenus à nous faufiler jusqu’à nos terres à quelques reprises, mais n’avons pas toujours échappé aux agressions des colons », a expliqué à B’Tselem Abdallah Naasan, du village d’al-Mughayyir, près de Ramallah.

« Habituellement, ils ont un drone qui survole les environs et ils voient ainsi toutes les personnes qui tentent de s’approcher des terres. Quand ils nous voient, ils nous chassent ou appellent l’armée et, ensuite, notre matériel ou nos véhicules sont confisqués. Jusqu’à présent, l’armée nous a confisqué deux de nos tracteurs. »

La famille de Naasan a plus de 8 000 oliviers et a décrit comment, cette année, l’armée a imposé des restrictions plus sévères encore que d’habitude, limitant ainsi l’accès aux terres.

L’apparition de blocages routiers mis en place par les colons empêche également les fermiers palestiniens d’accéder à leurs terres.

La violence des colons contre les fermiers s’est accrue « en fréquence et en intensité », depuis le 7 octobre, a déclaré B’Tselem.

Cela comprend « les agressions physiques des colons contre les cueilleurs, le déracinement de vastes oliveraies, le vandalisme consistant à briser les branches des arbres, à en scier les troncs ou à incendier les arbres, ou encore le vol des olives ».

Dans bien des cas, les forces israéliennes se contentaient de regarder. Bien souvent même elles se joignaient aux agressions, a ajouté B’Tselem.

 

La croissance de la population des colons

En 2023, la population des colons israéliens a crû de près de 3 pour 100 en Cisjordanie occupée, sans compter Jérusalem-Est, s’il faut en croire un rapport compilé par Yaakov Katz, un ancien député d’extrême droite du parlement israélien, la Knesset, qui, aujourd’hui, gère les Statistiques de la population juive en Cisjordanie, un organe de contrôle favorable au peuplement des colonies.

Le site internet déclare qu’il « fournit des statistiques précises de la population juive en Judée et en Samarie »,

les nom pseudo-bibliques utilisés par Israël pour désigner la Cisjordanie et ce, dans le but de conférer un vernis de légitimité à son occupation et à sa colonisation illégale.

Le rapport indique également que la population des colons a augmenté de 15 pour 100 au cours des cinq dernières années, particulièrement dans la région de la vallée du Jourdain. Le rapport prévoit que la population des colons en Cisjordanie dépassera le million en 2047, en se basant sur la croissance observée ces cinq dernières années.

Le rapport ne reprend pas les chiffres des colonies exclusivement juives de Jérusalem-Est occupée, bien que l’illégalité aux yeux des lois internationales ne soit pas différente dans ces zones.

 

Une démarche vide de sens

Dans une tentative évidente de détourner l’attention de leur complicité dans le génocide commis par Israël contre les Palestiniens de Gaza, la France et le Royaume-Uni ont emboîté le pas des États-Unis en imposant un peu plus tôt ce mois-ci des sanctions symboliques à un petit nombre de colons juifs israéliens.

À quatre de ces colons, pour être exact.

Ces sanctions donnent l’impression que la violence des colons émane de quelques pommes pourries et elles ne tiennent pas compte du fait que la politique illégale de colonisation de peuplement suivie par l’État israélien est intrinsèquement violente. Les colons n’agissent pas en tant qu’individus mais au nom de l’État dont le but est de voler et contrôler totalement toutes les terres de la Cisjordanie.

Les colons sont les fantassins de l’État et de sa politique expansionniste.

Par conséquent, les sanctions devraient être prises contre Israël et ses dirigeants, et non contre quelques individus.

Les colons érigent des avant-postes sur de terres prises de force aux Palestiniens, et ils les squattent jusqu’au moment où leur vol est rétroactivement approuvé par l’État.

De plus, les députés israéliens ont encouragé activement les colons juifs les plus fanatiques à attaquer les Palestiniens dès le début du génocide israélien contre Gaza en octobre. À un moment donné, Ben-Gvir a déclaré que son ministère achetait 10 000 fusils afin de les distribuer à des civils israéliens.

Au début de ce mois, Biden a signé l’ordre exécutif de sanction des colons, en disant que leurs actions « constituent une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique étrangère des États-Unis ».

La punition des colons comprend des interdictions de se rendre aux EU et le gel de tous avoirs et biens qu’ils peuvent y avoir.

Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, et celui de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, tous deux membres d’extrême droite du bloc du Premier ministre Benjamin Netanyahou, ont protesté contre cette décision.

Mardi, la France a annoncé qu’elle interdisait à 28 colons « qui se sont rendus coupables de violence contre des civils palestiniens en Cisjordanie » de pénétrer sur le territoire français. Le ministère français a réitéré sa « condamnation véhémente » de cette violence et a demandé aux autorités israéliennes « de réclamer des comptes à ses perpétrateurs ».

Les autorités israéliennes tiennent rarement les colons pour responsables de leurs agressions et harcèlement à l’encontre des Palestiniens. Les colons jouissent d’une impunité quasi-totale, puisque 94 pour 100 de tous les procès intentés contre des colons juifs israéliens entre 2005 et 2023 se sont terminés sans condamnation, estime l’organe qui surveille la violence des colons, Yesh Din.

Ceci décourage les Palestiniens de rapporter les actes de violence commis contre eux par les colons. Yesh Din dit que 38 pour 100 des Palestiniens qui ont contacté l’organisation dans les six années précédant 2023 ont décidé de ne pas insister sur le suivi des affaires dans lesquelles était impliquée la police israélienne.

Ce nombre de Palestiniens qui ont choisi de ne pas introduire de plainte atteignait près de 60 pour 100 chaque année.

Le gouvernement britannique a également appliqué des sanctions financières et des restrictions de voyage à quatre colons.

En dépit de ce geste symbolique, le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, David Cameron, a déclaré que le fait qu’Israël n’agissait pas avait abouti « à un environnement d’impunité quasi totale pour les colons extrémistes ».

Le Canada allait emboîter le pas, a déclaré le ministre canadien des Affaires étrangères sur les ondes publiques au début de ce mois, ajoutant que les dirigeants du Hamas allaient eux aussi être sanctionnés.

 

Il est exclu que les EU changent de politique

Les hauts responsables américains envisageaient d’imposer des restrictions à Smotrich et Ben-Gvir dans le cadre du même paquet de sanctions imposées aux colons, a rapporté The Wall Street Journal jeudi en citant ces responsables américains sans toutefois les nommer.

On dit que l’administration Biden voulait également annuler deux mesures américaines qui avaient changé sous la présidence de Donald Trump :

« L’une qui permet à des marchandises produites dans les colonies juives de Cisjordanie occupée par Israël d’être étiquetées ‘Made in Israel’ et une autre qui bouleversait la très vieille politique américaine selon laquelle les colonies de Cisjordanie violent les lois internationales ».

Mais Biden a choisi de pas prendre ces mesures, optant plutôt pour des démarches sans le moindre mordant qui laissent intact le soutien économique et politique américain aux colonies illégales.

En fin de compte, le fait de punir les colons à titre individuel – dans la mesure où ils sont responsables de violence – par des sanctions qui sont peu susceptibles de leur causer la moindre gêne, fait d’eux des boucs émissaires et absout non seulement les dirigeants et les institutions d’État d’Israël, mais aussi les États occidentaux qui continuent d’autoriser le commerce avec les colonies en les enrichissant et en les renforçant.


Le déplacement forcé

Entre-temps, les autorités israéliennes ont détruit près de 130 maisons en Cisjordanie occupée, depuis le 7 octobre, déplaçant de force plus de 800 Palestiniens, dont au moins 330 enfants.

La grande majorité de ces personnes déplacées ont été concentrées dans trois camps de réfugiés, tous situés dans le nord de la Cisjordanie occupée, où la résistance palestinienne va croissant : Jénine, Nur Shams et Tulkarem, selon l’OCHA.

Depuis le 7 octobre, les autorités israéliennes ont déplacé de force plus de 500 Palestiniens, dont une moitié d’enfants, en Zone C de la Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupée, et ce, sous le prétexte de ne pas avoir de permis de bâtir, un document qu’il est d’ailleurs pratiquement impossible d’obtenir, pour les Palestiniens.

La Zone C couvre en gros 60 pour 100 de la Cisjordanie restant sous contrôle israélien total, conformément aux accords d’Oslo de 1993.

Israël refuse aux Palestiniens sous occupation militaire le droit de construire sur leur propre terre. Ils sont forcés de construire sans permis et de vivre dans la crainte constante de voir leurs maisons démolies.

 

Article de Tamara Nasser, rédactrice en chef adjointe de The Electronic Intifada, paru initialement le 16 février 2024

 

Source : The Electronic Intifada – Traduction : Plateforme Charleroi-Palestine