Les organisations palestiniennes des droits humains disent qu’Israël a intensifié ses attaques contre Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où sont actuellement concentrées environ 1,3 million de personnes, dont la majorité ont été déplacées d’autres régions du territoire.

Israël a également intensifié ses tirs d’artillerie sur la zone orientale de Rafah, dans ce qu’Al-Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains décrivent comme une campagne d’intimidation visant à provoquer une nouvelle vague de déplacements forcés juste avant une offensive militaire à grande échelle contre Rafah.

Plus de 40 Palestiniens, dont 13 enfants et 12 femmes, ont été tués au cours des dernières attaques contre Rafah, entre le 26 et le 20 avril, rapportent les organisations de défense des droits.

Un bébé de moins d’une semaine a été tué lorsque Israël a ciblé une maison appartenant à la famille al-Khawaja, dans le camp de réfugiés d’al-Shabura à Rafah. Neuf personnes ont été tuées lors de cette attaque, dont une majorité de Palestiniens déplacés de la région de Gaza même et de Deir al-Balah, dans le centre du territoire.

Les frappes meurtrières sur la maison de la famille al-Khawaja et sur plusieurs autres résidences à Rafah n’ont pas été précédées d’avertissements.

Dans un autre cas, un adulte palestinien a été tué lors d’une frappe qui avait fait l’objet d’une mise en garde.

Khaled Hameed, un homme de 43 ans affligé d’un trouble de la parole, a été tué quand les avions de combat israéliens ont bombardé la maison de la famille al-Ghalban, au sud-est de Rafah, le 26 avril. Hameed était à l’intérieur de sa maison, voisine de celle ciblée lors de l’attaque.

« Avant le bombardement, les forces israéliennes avaient contacté l’un des voisins en lui disant d’évacuer les maisons avoisinantes », ont déclaré les organisations de défense des droits.

La fuite vers al-Mawasi

 

La menace des tirs d’artillerie a poussé des dizaines de milliers de personnes à quitter Rafah pour al-Mawasi, déjà passablement surpeuplé, une section de Khan Younis dans le sud de Gaza, où les personnes déplacées ont installé des tentes ou des abris de nylon faits main sur les terres agricoles, les bords des routes et le long de la côte, en des endroits où il n’y a pas la moindre infrastructure élémentaire.

Plus de 34 500 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre et près de 78 000 ont été blessés, selon le ministère de la santé du territoire. Des milliers d’autres sont restés ensevelis sous les décombres des bâtiments détruits ou sont portés manquants.

Les trois organisations palestiniennes des droits humains ont réclamé une intervention urgente pour empêcher une invasion terrestre israélienne à Rafah et pour « garantir le retour des Palestiniens déplacés dans leurs foyers et assurer en même temps la fourniture sans entrave des services élémentaires et de l’aide humanitaire nécessaires d’urgence ».

Les organisations ont réclamé « des sanctions diplomatiques, économiques et individuelles, et un embargo à double sens sur les armes », afin de presser Israël à respecter ses obligations internationales, y compris les ordres de la Cour internationale de l’ONU de mettre fin à ses actions génocidaires et de hâter le cessez-le-feu réclamé par le Conseil de sécurité.

Martin Griffiths, le responsable humanitaire de l’ONU, a mis en garde cette semaine contre « l’imminence à l’horizon d’une opération terrestre contre Rafah ».

Il a déclaré qu’une invasion de la région « ne constituerait rien de moins qu’une tragédie indescriptible » et qu’elle « assénerait un coup désastreux » aux efforts des « agences qui luttent pour livrer l’aide humanitaire ».

« Nous sommes dans une course destinée à repousser la faim et la mort, et nous sommes en train de la perdre », a ajouté Griffiths.

« Une anxiété extraordinairement profonde »

 

Philippe Lazzarini, le haut responsable de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a parlé de la « prévalence » à Gaza « d’une anxiété extraordinairement profonde » à propos de la question de l’offensive terrestre contre Rafah.

« Et la probabilité d’une offensive militaire dépend entièrement de la question de savoir si un accord de cessez-le-feu sera dégagé ou pas cette semaine », a déclaré Lazzarini mardi.

« Tout ça pour vous dire qu’on n’a encore demandé à personne d’évacuer Rafah », a-t-il ajouté. « Mais on sent que si aucun accord n’est dégagé cette semaine, l’offensive pourrait avoir lieu à n’importe quel moment. »

Le Hamas a déclaré jeudi qu’il envoyait une délégation en Égypte en vue de poursuivre les pourparlers de cessez-le-feu et qu’il étudiait la toute dernière proposition d’Israël.

Mais il reste une impasse apparemment infranchissable.

Le Hamas demande que soit mis un terme pour de bon à la guerre d’Israël alors qu’Israël n’a parlé que de sa bonne volonté vis-à-vis de « la restauration d’un calme durable » afin de garantir la libération des captifs restants à Gaza.

Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, aurait dit à Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, que Rafah sera envahi si le Hamas continue de faire dépendre l’accord d’un cessez-le-feu complet.

Washington déclare s’opposer à une incursion israélienne à Rafah sans plan crédible de protection des civils, et les organisations humanitaires déclarent que la chose est quasiment impossible.

L’administration Biden a refusé d’appliquer autre chose que des pressions pour la forme sur Israël en vue de contrecarrer une attaque contre Rafah et le Pentagone a proposé à Israël, comme alternative supposée, une approche par phases en vue de démanteler les bataillons du Hamas dans la région.

Netanyahou, qui cherche à prolonger la guerre en vue de s’accrocher à son pouvoir politique et de reporter son procès pénal concernant des charges de corruption, a plusieurs fois insisté en disant qu’Israël envahirait Rafah quel que soit l’accord dégagé.

Pas de stratégie alternative

 

John Kirby, le porte-parole de la sécurité nationale à la Maison-Blanche, a admis mardi que l’administration n’avait pas d’autre stratégie pour mettre un terme à la guerre à Gaza, en dehors des pourparlers indirects qui se sont régulièrement retrouvés dans une impasse.

Le gouvernement de Netanyahou se retrouve sous des pressions venant d’autres sources, avec la Colombie qui rompt ses relations diplomatiques avec Israël pour protester contre le génocide à Gaza, et la Turquie qui bloque ses exportations / importations avec Israël.

Entre-temps, il s’avère que les dirigeants israéliens sont convaincus que des mandats d’arrêt émanant de la Cour pénale internationale et ciblant d’importants responsables sont imminents, ce qui crée une « atmosphère de panique » parmi les diplomates du ministère des Affaires étrangères.

Les dirigeants israéliens en viennent très tardivement à comprendre que la violence catastrophique utilisée contre Gaza prélèvera son coût sur le statut international du pays, surtout après le meurtre ciblé de plusieurs travailleurs humanitaires de World Central Kitchen, dont des ressortissants des EU, du Royaume-Uni et de l’Australie, les plus proches alliés d’Israël.

Une catastrophe humanitaire sans précédent

 

Même si un cessez-le-feu est dégagé dans les prochains jours, une catastrophe humanitaire sans précédent est toujours présente.

Les trois quarts de la population de Gaza (2,3 millions d’habitants) ont été déplacés de leurs foyers et près de deux tiers de toutes les habitations du territoire ont été détruites.

Les hauts responsables de l’ONU disent qu’il faudrait jusqu’à 14 ans pour évacuer les décombres et les munitions non explosées des endroits oû se dressaient naguère des maisons, des écoles, des universités, des mosquées et tours commerciales et autres infrastructures.

Plus d’un million de Palestiniens de Gaza expérimentent des niveaux catastrophiques de famine, selon le Programme alimentaire mondial, et plus de vingt-cinq enfants sont déjà morts de malnutrition et de soif depuis février, a expliqué le ministère de la santé.

La reconstruction des logements détruits à Gaza va durer au moins jusqu’en 2040, dans le meilleur des scénarios, mais serait prolongée de plusieurs décennies encore si elle devait avoir lieu à la même cadence que celle qui a suivi les précédents assauts destructeurs majeurs d’Israël, estime un rapport de l’ONU.

La guerre génocidaire d’Israël à Gaza, qui a débuté voici près de sept mois, a plongé « près de 1,74 million de personnes de plus dans la pauvreté », estime encore l’ONU.

Achim Steiner, un administrateur du Programme de développement de l’ONU, a déclaré que les projections d’une nouvelle évaluation « mettent en garde contre le fait que les souffrances à Gaza ne cesseront certainement pas au moment où la guerre s’arrêtera ».

Article de Maureen Clare Murphy, rédactrice en chef de The Electronic Intifada, paru initialement le 3 mai 2024

 

Source : The Electronic Intifada – Traduction : Plateforme Charleroi-Palestine