Le mercredi 23 septembre, Zoom a pris pour la première fois la décision d’annuler un cours universitaire. Dans la plus pure tradition des entreprises américaines, cette décision a été prise afin de mettre un terme à une discussion anti-impérialiste et, en particulier, antisioniste.

La classe ouverte de l’Université d’État de San Francisco (SFSU), intitulée « Whose Narratives? Gender, Justice, and Resistance: A conversation with Leila Khaled », avec également les anciens prisonniers politiques Sekou Odinga, Rula Abu Dahou, Ronnie Kasrils et Laura Whitehorn. Elle a été organisée par le Collège d’études ethniques de l’université par le Dr Rabab Abdulhadi, du Département d’études arabes et musulmanes, ethniques et de la diaspora (AMED), et le Dr Tomoni Kimukawa, du département d’études sur les femmes et le genre.

L’annonce de cet événement a suscité l’inquiétude et la colère des étudiants sionistes qui, soutenus par des organisations sionistes dont le « Lawfare Project » (un fonds juridique basé à New York), ont décrit cette censure du récit d’un peuple colonisé comme une « victoire sans précédent » de leur part. Ils avaient envoyé à Zoom un courriel de menace expliquant comment la plateforme pouvait être incriminée pour avoir fourni « un soutien matériel ou des ressources », sous la forme d’une facilitation de la communication pour un événement qui « pourrait violer les lois fédérales antiterroristes américaines ». Le projet Lawfare a été nommé ainsi pour exprimer leurs efforts dans la « guerre légale » contre la résistance palestinienne, ce qui en fait l’un des nombreux groupes sionistes américains qui utilisent des tactiques de peur, exploitant les lois « anti-terroristes » américaines pour faire taire les témoignages des Palestiniens.

Zoom est un service de télécommunication, ce qui signifie qu’en vertu de la loi américaine sur les communications de 1934, il n’a effectivement pas le droit de décider pour quoi il peut ou ne peut pas être utilisé. Cependant, quelques heures avant le début du cours, Zoom a bloqué sa liaison. Le mardi, la veille du cours, Zoom a publié la déclaration suivante :

« Zoom s’engage à soutenir l’échange ouvert d’idées et de conversations, sous réserve de certaines limitations contenues dans nos Conditions d’utilisation, y compris celles liées au respect par les utilisateurs des lois américaines applicables en matière de contrôle des exportations, de sanctions et de lutte contre le terrorisme. À la lumière de l’affiliation ou de l’adhésion de la conférencière à une organisation terroriste étrangère désignée par les États-Unis, et de l’incapacité de SFSU à confirmer le contraire, nous avons déterminé que la réunion est en violation des Conditions d’utilisation de Zoom et avons dit à SFSU qu’ils ne peuvent pas utiliser Zoom pour cet événement particulier ».

AMED Studies a répondu par une déclaration affirmant que le webinaire se poursuivrait comme prévu et qu’ils « attendent du SFSU/CSU qu’ils maintiennent leur liberté d’expression et leur liberté académique en leur fournissant un autre lieu de réunion ». Cependant, en raison de la portée de ces organismes sionistes, et de la façon dont ils ont attaqué ce webinaire sous plusieurs angles, pour en assurer l’annulation, la SFSU n’a pas rempli son devoir de protection de la liberté académique, tout comme Zoom n’a pas rempli ses responsabilités en tant que service de télécommunication.

Mardi, avant une manifestation menée par des groupes sionistes devant le siège de Zoom, The Lawfare Project a publié une déclaration dans laquelle on peut lire : « Aujourd’hui, nous voyons le pouvoir des communautés minoritaires se serrer les coudes », ce qui est une affirmation absurde, compte tenu du pouvoir de l’industrie du « lobby israélien », comme l’a qualifié le professeur Abdulhadi. Ce label est approprié en raison de la structure d’organisations telles que le Lawfare Project, ainsi que de leur soutien par des connexions politiques et des milliards de dollars, qu’ils utilisent pour faire pression sur les institutions universitaires, y compris la SFSU.

Comme l’a déclaré le professeur Abdulhadi, « le président et l’administration de l’université ont reçu une lettre du directeur général de la Jewish Community Federation of San Francisco, qui colporte des centaines de millions de dollars, et qui est également en charge des relations avec les donateurs, leur disant que nous ne pouvons pas organiser ce webinaire… où nous accueillons la conversation historique avec Leila Khaled, icône féministe palestinienne et militante ».

Cette menace est probablement la raison pour laquelle l’université n’a pris aucune mesure pour défendre sa faculté et ses étudiants face à la censure de Zoom. Bien qu’une semaine avant l’événement prévu, dans l’éditorial autrement inquiétant du JWeekly de la présidente de la SFSU, où elle avait confondu antisionisme et antisémitisme, elle a souligné l’importance de la « liberté académique et de la capacité des professeurs à enseigner sans censure ». Bien qu’elle ait cité cette raison pour ne pas annuler l’événement elle-même, elle n’a clairement pas considéré qu’il s’agissait d’une raison suffisante pour résister à la décision de Zoom ou utiliser son influence pour faciliter la diffusion en direct sur une autre plateforme.

En fin de compte, les organisateurs ont été obligés de proposer des plans alternatifs quelques heures avant le début de l’événement pour une classe qui avait eu 1 500 inscriptions sur Zoom. L’événement en live-streaming sur Facebook a reçu environ 4 000 inscriptions dans le court laps de temps où il avait été mis en place, avant d’être massivement signalé par les sionistes. De même, le livestream de YouTube, qui a été mis en place à la dernière minute, a reçu environ 1 000 spectateurs avant d’être arrêté, 15 minutes après avoir également été signalé en masse, alors que cette vidéo était en cours de lecture :

Les étudiants, les militants et les professeurs ont ensuite transféré le webinaire sur la chaîne YouTube de Students For Justice in Palestine (SJP), mais cela n’a duré que quelques secondes avant d’être à nouveau brutalement interrompu par YouTube.

Les sionistes ne craignent pas seulement les actes de ce qu’ils appelleraient « terrorisme », mais ils sont terrifiés par la diffusion d’un témoignage qui perturbe l’image qu’ils ont soigneusement conçue pour l’État sioniste. Leur objectif est de faire taire les récits palestiniens et, ce faisant, ils crient des accusations « d’antisémitisme » et « d’incitation au terrorisme » à chaque information qui les menace. Ils espèrent que s’ils créent suffisamment de pollution sonore, nos histoires seront noyées, que des liens et une solidarité ne se formeront pas et que la résistance sera réprimée, permettant ainsi aux crimes sionistes de se poursuivre sans être critiqués.

Alors que toutes les plateformes dont nous dépendons actuellement sont effectivement contrôlées par les mêmes groupes qui financent et protègent l’entité sioniste, pourquoi s’attendre à ce que les antisionistes révolutionnaires puissent partager leurs expériences et leurs idées sur ces mêmes plateformes ?

Ce qui s’est passé le 23 septembre, bien que ce ne soit pas surprenant, nous frappe au visage avec l’interconnexion des États-Unis et d’Israël en tant que deux projets de colonisation de peuplement, et comment ils peuvent contrôler et réprimer de si petits détails de notre résistance, en exploitant notre extrême dépendance vis-à-vis des entreprises sur lesquelles ils ont un contrôle total et implacable.

« J’ai dû oublier ce que le système scolaire colonial avait tenté de m’inculquer – que je n’avais pas d’histoire ; qu’il n’y avait pas de peuple palestinien, [et j’ai] réalisé à quel point les « historiens » ont habilement dénigré nos réalisations et nous ont plongés dans l’oubli. Je savais que j’avais un rôle à jouer : je me suis rendu compte que ma mission historique était d’être une guerrière dans l’inévitable bataille entre oppresseurs et opprimés, exploiteurs et exploités. » 

Extrait de l’autobiographie de Leila Khaled «My People Shall Live»

Bien qu’à une époque de dépendance à l’égard de telles plates-formes, la censure soit exercée de manière plus grossière, la suppression de l’éducation sur les souffrances des peuples colonisés n’est pas un phénomène nouveau, car le colonisateur essaiera toujours de paraître bienveillant, et cela ne peut pas se produire si nos récits sont enseignés.

 

Article d’Hala Al Shami