Le 18 janvier dernier à Toulouse, la salle du Hangar de la Cépière était pleine à l’occasion de la soirée « L’Algérie a vaincu, Palestine vaincra » organisée par le Collectif Palestine Vaincra. Après plus de 100 jours de génocide mais aussi 100 jours de résistance qui s’inscrivent dans 100 ans de lutte du peuple palestinien, il nous semblait nécessaire de rappeler que ce combat s’inscrit dans la lignée des luttes victorieuses au Vietnam, Haïti, Guinée-Bissau ou encore en Algérie. Autour d’un échange entre deux militantes du Collectif Palestine Vaincra, Algérienne et Palestinienne, nous sommes revenus sur les leçons d’hier pour armer les luttes d’aujourd’hui et les victoires de demain.

Tout d’abord, nous avons rappelé que le peuple palestinien fait face à une colonisation de peuplement, comme le peuple algérien y avait été confronté. Cette forme distincte de colonialisme fonctionne par le remplacement des populations autochtones par une société de colons qui, au fil du temps, développe sa propre identité et sa souveraineté. « La colonisation de peuplement en Algérie était la solution au problème de l’empire français visant à implanter en Algérie une population paupérisées » a souligné la militante algérienne. Par ailleurs, elle a également rappelé que « de 1830 à 1870/71, il y avait une intention génocidaire en Algérie calquée sur les pratiques des États-Unis, afin de vider les territoires au profit des colons. Les sionistes ont fait et font toujours la même chose. Après avoir tué plus de la moitié des Algériens, il y a eu expulsion du reste de la population des terres fertiles vers les steppes et les montagnes. » De son côté, la militante palestinienne est revenue sur l’histoire de la colonisation sioniste en Palestine qui s’est construite également sur un nettoyage ethnique comme lors de la Nakba de 1948. Celle-ci a été justifiée par la rencontre entre une idéologie coloniale et raciste, le sionisme, et les intérêts des empires coloniaux puis de l’impérialisme occidental. Elle a fermement rejeté les personnes qui tentent « de transformer le colonialisme en un conflit religieux entre musulmans et juifs. Nous savons que notre problème est avec le colonialisme, quelle que soit sa couleur, sa religion ou son idéologie. Le sioniste peut être musulman, chrétien, juif ou n’avoir aucune religion. »

La soirée s’est prolongée en rappelant que face à ces colonisations de peuplement, la résistance des peuples indigènes a existé dès le début. En Algérie, de nombreuses personnalités ont incarné des révoltes et batailles comme El Amir Abdelkader en 1832, Boumaza en 1847, Boubaghla en 1851, Fadhma Nsoumer en 1854, El Mokrani en 1871 et d’autres mouvements au Sud du pays. Mais également, des organisations qui ont fait un énorme travail dès les années 1920 comme L’Etoile nord-africaine puis le Parti du peuple algérien en 1937 ainsi que d’autres formations. La militante algérienne a rappelé le rôle des massacres coloniaux du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata perpétrés par l’armée française contre le peuple algérien alors que la France se libérait du nazisme. Ils ont montré à nouveau que la société coloniale n’était pas réformable et qu’il fallait la démanteler. Malgré les massacres, le peuple algérien a continué à s’organiser avec sa résistance et en 1954 a crée son front : le Front de Libération Nationale et son armée, l’Armée de Libération Nationale, pour arracher sa libération le 05 juillet 1962.

La victoire algérienne face à 132 ans de colonialisme français, une des puissances les plus importantes de son époque, a démontré qu’au prix de luttes, de résistance, de solidarité et de martyrs, la libération du joug impérialiste et colonial est possible.

En Palestine, la résistance a commencé dès le début de la colonisation sioniste. Comme l’a rappelé la militante palestinienne, l’histoire de la Palestine est une histoire de résistance, à l’image de la Grande Révolte de 1936 à 1939. Cette résistance s’est organisée d’abord en Palestine mais aussi depuis les pays limitrophes, en particulier depuis le Liban, la Syrie ou la Jordanie. Aujourd’hui, la situation à Gaza témoigne que « ce qu’il se passe est la plus grande preuve de la poursuite de la résistance et son développement. Plus l’occupation sera longue et plus ses crimes seront graves, plus la lutte sera aussi une lutte à long terme » comme l’a réaffirmé une des intervenantes.

Un long échange a également eu lieu sur le rôle de la résistance et son lien organique avec le peuple colonisé. Une militante originaire de Naplouse est longuement revenue sur ce que les Palestiniens appellent Al Hadena Al Sha’bya, le berceau populaire de la résistance. Comme elle l’a raconté, « il n’y a pas de résistance sans berceau populaire, bien au contraire, elle en fait partie intégrante. L’environnement qui la soutient est l’environnement qui a connu l’injustice et a été soumis aux agressions, aux meurtres, à la captivité et à la perte de ses maisons et de ses moyens de subsistance. Lorsque les jeunes de ma ville ont commencé à établir la résistance, les gens étaient très heureux parce qu’ils sentaient qu’ils en avaient besoin pour dissuader l’occupation qui menaçait, tuait, arrêtait, démolissait et volait chaque jour. L’incubateur populaire a inventé de nombreuses méthodes pour soutenir la résistance et ne s’est pas limité uniquement à l’aspect financier ou à la nourriture, mais a participé activement à sa protection. Autant la résistance nous étonne, autant nous sommes étonnés par la fermeté du peuple et son amour pour elle, malgré tous les prix qu’ils paient. Ces grands sacrifices de son berceau populaire ont rendu la résistance plus forte, plus vaillante et plus déterminée à atteindre la victoire. » Cette expérience du peuple palestinien rentre évidemment en écho avec la résistance menée par le peuple algérien.

Dans la continuité de cette discussion, les militantes ont souligné l’importance de commémorer la mémoire des martyrs pour les peuples engagés vers la voie de la libération. « Plus la résistance est grande, plus le nombre de martyrs est grand. C’est un phénomène qui nous dit que ce peuple est vivant et qu’il continue à se battre et à offrir des martyrs sur le chemin de la liberté. Je pense qu’il est important de vous rappeler ici que la Palestine est actuellement soumise à un massacre au cours duquel le nombre de martyrs dépasse les dizaines de milliers. Nous savons que chacun d’eux a un nom, un rêve, un foyer et une famille » a rappelé avec émotion la militante palestinienne. De la même manière, les martyrs de la résistance du peuple algérien ont joué un rôle très fort dans la mémoire collective de cette lutte anticoloniale, à l’image de Larbi Ben M’hidi ou d’Ali La Pointe.

C’est dans cette même perspective que le soutien aux prisonniers politiques doit être compris comme partie intégrante du soutien à la résistance contre le colonialisme. En Palestine, il y a aujourd’hui plus de 7 000 hommes, femmes et enfants détenus par l’occupation israélienne. « Ils sont les leaders de la libération et de la résistance. Depuis le début du colonialisme, la Palestine a fourni des milliers de prisonniers, hommes et femmes. Avec leurs luttes avec leur corps et leur sang, il y a une autre résistance dans les prisons, malgré la cruauté du geôlier. Comme d’autres, ils aiment la vie, ils ont leurs propres rêves, mais ils ont choisi de les abandonner parce qu’ils savaient qu’ils n’avaient aucune valeur sous l’occupation » a rappelé la jeune palestinienne. Pendant la colonisation française de l’Algérie, il y a eu beaucoup de condamnés à mort ou de déportés, par exemple en Kanaky. Cela avait pour objectif d’intimider le peuple, mais cela fut vain. Chaque guillotiné était accompagné par des youyous afin de témoigner du refus de la reddition du peuple en dépit de la violence coloniale.

Enfin, les deux militantes ont échangé sur le lien historique et politique qui unit les peuples algérien et palestinien. Elles ont rappelé que la lutte pour la libération de la Palestine est une cause arabe et que l’ensemble de la région a une longue histoire de soutien à la résistance palestinienne comprenant que libérer la Palestine est une étape nécessaire vers la libération du Monde Arabe de l’impérialisme. Ainsi, la bataille de Karameh de mars 1968 a joué un important rôle de catalyseur dans le développement du soutien populaire dans la région. Après la Naksa de 1967, cette victoire des fedayins palestiniens incarne la revanche contre le sionisme et suscite une vague d’engagement enthousiaste. Comme symbole de ce lien, une militante a rappelé les parcours de Mohamed Boudia, résistant du FLN puis du FPLP assassiné par le Mossad le 28 juin 1973 à Paris, mais aussi de la jeune algérienne Leila Noureddine qui est tombé au combat au Liban en 1976. Sans oublier évidemment, Georges Abdallah qui est un combattant de la résistance palestinienne emprisonné en France et qui a né et a grandi au Liban.

Lors des échanges avec la salle, il a été rappelé que la Palestine n’est pas la seule cause actuelle contre le colonialisme. De nombreux peuples résistent toujours pour arracher leur droit à l’autodétermination, comme en Gwadloup, Matinik, Kanaky et Gwiyann. Plus que jamais, les luttes anticolonialistes et anti-impérialistes doivent être soutenues tant elles incarnent un avenir émancipateur pour l’ensemble de l’humanité.

La soirée s’est conclue sur l’importance de la solidarité internationale dans les luttes de libération nationale comme un des facteurs pour garantir la victoire. Mais celle-ci doit être comprise non pas comme de la charité à une cause lointaine, mais bien comme de l’entraide dans un combat anti-impérialiste commun. En ce sens, le génocide en cours à Gaza doit nous appeler à poursuivre et intensifier la mobilisation pour confronter la complicité de l’impérialisme français dans les crimes de l’État sioniste qui a déjà fait plus de 25 000 morts palestiniens.