Alors que les forces d’occupation israéliennes mènent une offensive génocidaire à Gaza, la criminalisation du soutien à la Palestine en France a atteint un niveau sans précédent. Dans ce contexte, les organisations pro-palestiniennes dont notre collectif sont particulièrement visées par l’État et les médias. Ainsi, dans les jours suivant l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et ses relais médiatiques ont multiplié les attaques diffamatoires contre notre organisation. Ces attaques sont l’expression renouvelée de la volonté du gouvernement français qui, depuis plusieurs années, tente de faire taire le Collectif Palestine Vaincra. Déjà en 2022, le gouvernement français avait prononcé la dissolution de notre organisation sous des prétextes fallacieux. Cette décision a finalement été suspendue par le Conseil d’État en avril 20221. Alors que la situation à Gaza est plus que jamais dramatique, nous avons donné la priorité à la mobilisation contre l’offensive militaire israélienne et la complicité des puissances occidentales. Aujourd’hui, nous prenons le temps de proposer des éléments de réponses sur cette campagne politique et médiatique.

 

De quoi nous accuse-t-on ? L’attaque du Hamas « glorifiée » et « encensée » ?

 

Suite à notre communiqué publié quelques heures seulement après le déclenchement de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » (modifié quelques jours plus tard pour plus de précision), une campagne médiatique de diffamation se met en branle, initiée notamment par le journal nouvellement d’extrême-droite Le Journal du Dimanche ». Dénaturant et tordant nos propos, cette campagne vise à diaboliser les voix dissonantes du récit impérialiste et colonial dominant. Parmi les articles diffamatoires à notre encontre, celui du Figaro qui ose écrire que le Collectif Palestine Vaincra « s’est réjoui sans détour de ces actes de barbarie »2. Ceci est factuellement faux. Ne reculant devant rien pour nous salir, le journaliste Paul Sugy illustre également son article avec une pancarte antisémite brandie lors d’une manifestation parisienne, expliquant que nous nous y étions associés, alors même que nous ne sommes pas présents dans la capitale.

Notre communiqué relate les informations que nous avions en notre possession au moment de sa publication. Le 7 octobre, les Brigades Al Qassam (la branche armée du Hamas), ont lancé une opération militaire sans précédent. Suite à cette offensive, les forces armées du Hamas occupent plusieurs postes militaires israéliens et s’infiltrent de plusieurs kilomètres en territoire palestinien de 1948, mettant à nu la faillibilité du dispositif sécuritaire de l’armée d’occupation. Comme l’a souligné le journaliste Alain Gresh dans un article d’Orient XXI, « [l’opération] a uni tous les Palestiniens et suscité une large adhésion dans un monde arabe dont les dirigeants cherchent pourtant à pactiser avec Israël en sacrifiant la Palestine ». Il conclut son article en rappelant que les « événements actuels accréditent, une fois de plus, [le fait] que l’occupation déchaîne toujours une résistance dont les seuls responsables sont les occupants. Comme le proclame l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, la résistance à l’oppression est un droit fondamental, un droit que les Palestiniens peuvent justement revendiquer. »3 Aujourd’hui, devant la gravité de la situation, même le secrétaire général des Nations unies indique que « l’attaque du Hamas n’est pas arrivée dans le vide ». Cette opération s’est nourrie des dramatiques conséquences de 75 ans de colonisation et d’opérations de nettoyage ethnique que subit le peuple palestinien. Telle est notre position.

Quelques heures et jours plus tard, des informations commençaient à préciser les contours de l’attaque du 7 octobre. Avec ces nouveaux éléments nous préciserons notre positionnement. Ainsi, dans un communiqué publié le 12 octobre, nous affirmons : « que des victimes palestiniennes et israéliennes sont à déplorer par milliers et que des crimes de guerre de part et d’autre seraient à déplorer selon certains observateurs […] ». En effet, le droit légitime d’un peuple opprimé à la résistance, y compris armée, ne peut servir de justification au pire.

 

« Un relais politique » du Hamas ?

 

Gérald Darmanin, déjà abonné aux attaques contre le collectif, s’est lui empressé de nous accuser d’être des « relais politiques » du Hamas, dans la matinale de France Inter le 12 octobre dernier. Le 24 octobre, durant les questions à l’Assemblée Nationale, il réitère ses propos en ajoutant qu’il interdirait « les manifestations pro-Hamas notamment celles du Collectif Palestine Vaincra »4. Le Collectif Palestine Vaincra n’est cependant ni une émanation du Hamas, ni le porte-voix de cette organisation ni d’aucune faction palestinienne. Pourtant, c’est notamment à partir d’une telle accusation que les manifestations et rassemblements en soutien au peuple palestinien ont été systématiquement interdits. Ces accusations seraient ridicules si elles n’étaient pas proférées par le Ministre de l’Intérieur et accompagnées d’une procédure pour « apologie du terrorisme » nous concernant, tout comme une dizaine d’autres organisations et individu.es.

De la même manière, de nombreuses organisations ou personnalités pro-israéliennes nous diffament régulièrement. Exemple parmi d’autres, la déclaration de l’intervenant d’I24 David Antonelli pour qui notre appel à « une Palestine libre et démocratique de la mer au Jourdain » équivaut à « un appel à la mort de 7 millions de Juifs qui vivent sur cette terre. »5 Ces accusations sont proprement scandaleuses. A l’opposé du projet suprémaciste et réactionnaire mis en œuvre par le gouvernement d’extrême droite israélien, nous affirmons que la seule perspective émancipatrice pour toutes celles et ceux qui vivent aujourd’hui en Palestine commence par permettre au peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination sur la totalité de sa terre, de permettre le retour et les réparations des Palestiniens et Palestiniennes expulsés. Débarrasser la Palestine du colonialisme est un préalable indispensable qui, pour nous, doit conduire à l’instauration d’une société libre, démocratique et multiculturelle basée sur la libération nationale et sociale, sur l’ensemble de la terre de Palestine. Chacun pourra donc constater que notre orientation politique et celle du Hamas sont différentes.

 

Une opération génocidaire à Gaza soutenue « inconditionnellement » par la France

 

Cette campagne de propagande, de diffamation et de criminalisation vise à imposer le récit du gouvernement français et son « soutien inconditionnel » à Israël pour reprendre les mots de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée Nationale, alors que l’occupation israélienne mène, comme l’a exprimé M. Craig Mokhiber, directeur du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits humains, une opération à Gaza qui est un « cas d’école de génocide ». Joe Biden s’est empressé de qualifier l’attaque du Hamas « d’acte de mal absolu »6 alors qu’il apportait une aide militaire de plusieurs milliards de dollars à l’armée israélienne qui commet un génocide à Gaza.

Dans les termes du droit international, le crime de génocide se définit comme « l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tant que tel, » comme l’indique la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide signée le 9 décembre 1948.

« Dans son attaque meurtrière sur Gaza, Israël a clamé haut et fort ses intentions » affirme l’historien israélien Raz Segal7. En effet, le discours prononcé le 9 octobre dernier par Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, est limpide sur ses intentions : « Nous imposons un siège total de Gaza. Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant. Tout est fermé. Nous luttons contre des animaux humains et agirons en conséquence. » Le chercheur rappelle également que « la Convention des Nations unies sur le génocide identifie cinq actes tombant sous le coup de sa définition. Israël est actuellement coupable de trois de ces actes à Gaza : « 1. Meurtre de membres du groupe. 2. Atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe. 3. Imposition intentionnelle de conditions d’existence visant à entraîner la destruction physique totale ou partielle du groupe. « 8

A l’heure où nous écrivons ces lignes, le résultat de cette politique criminelle est effroyable : plus de 17000 morts, dont plus de 7000 enfants, plus de 45000 blessé.es, 1,8 millions de déplacé.es ainsi que la destruction d’innombrables infrastructures civiles et de santé. Comme l’affirme un responsable de Médecins du Monde dans les colonnes de Libération, « on passe peu à peu d’une prison à ciel ouvert à un charnier à ciel ouvert »9. Et cela a lieu grâce à la complicité directe de la France qui est la deuxième exportatrice d’armes dans le monde10 sans oublier les entreprises françaises comme Carrefour qui ont récemment publiquement soutenu l’opération militaire israélienne sur Gaza11. Ainsi la branche israélienne du groupe déclarait dans un post Instagram du 10 octobre, que « la chaîne Carrefour a fait don de milliers de livraisons personnelles aux soldats, et ce n’est qu’un début… Fiers de participer à l’effort national aux côtés des salariés de Carrefour et des bons citoyens qui se portent volontaires pour préparer les colis personnels des militaires de Tsahal. »

 

Le développement d’actes racistes en France : un gouvernement pompier pyromane

 

Face aux scènes effroyables de la folie meurtrière de l’occupation israélienne sur Gaza, la tension en France est croissante avec un développement d’actes et propos racistes, en particulier antisémites et islamophobes. Les autorités françaises disent mettre tout en œuvre afin d’apaiser la situation. Ils jouent en réalité les pompiers pyromanes. En effet, une large partie du champ politique français développe un discours ouvertement raciste et islamophobe qui vise à instrumentaliser la situation en Palestine occupée comme « une guerre de civilisation »12. Parallèlement, ils interdisent toute expression de solidarité avec la Palestine et reprennent le discours sioniste qui vise à assimiler les juifs aux israéliens et les israéliens à Israël ce qui est profondément réactionnaire et dangereux en plus d’être factuellement faux.

Dans une interview parue dans le magazine Frustration, le collectif juif décolonial Tsedek affirme très justement que « les crimes du colonialisme israélien étant commis par des individu·e·s se réclamant du judaïsme ou de la judéité, au nom de “l’État des juif·ve·s”, par des hommes et des femmes politiques exigeant des juif·ve·s du monde entier une solidarité inconditionnelle sous peine d’être qualifié·e·s de traîtres, nous pensons que c’est la politique israélienne, et non la lutte contre celle-ci, qui renforce l’antisémitisme. »13 Plus que jamais, nous devons affirmer que la lutte contre l’antisémitisme, l’islamophobie et tous les racismes est une lutte trop sérieuse pour la laisser se faire instrumentaliser par ces politiciens de droite et d’extrême droite. A leur opposé, notre solidarité avec la Palestine est un engagement anticolonialiste et antiraciste qui offre une alternative à cet ordre impérialiste qui nous enfonce chaque jour dans un avenir mortifère pour toutes et tous.

Face à cette situation, nous devons affirmer haut et fort que l’intensification de la criminalisation du mouvement de solidarité avec la Palestine ne nous fera jamais abandonner nos engagements anticolonialistes et antiracistes. Alors que le gouvernement et ses relais multiplient les amalgames, les menaces et les propos diffamatoires, nous devons plus que jamais nous mobiliser largement contre l’offensive génocidaire à Gaza et en soutien à la résistance du peuple palestinien. Le révolutionnaire libanais Samah Idriss affirmait « Si nous abandonnons la Palestine, nous nous abandonnons nous-mêmes ». Une chose est sûre, notre engagement reste total en faveur du peuple palestinien et pour une Palestine libre, multiculturelle et démocratique de la mer au Jourdain.

Le Collectif Palestine Vaincra
21 décembre 2023

8 op. cit.