Mardi 6 juin 2023, l’European Legal Support Center a publié un nouveau rapport en anglais intitulé « Suppression de la défense des droits des Palestiniens par la définition de travail de l’antisémitisme de l’IHRA ». L’organisation de défense du mouvement de solidarité avec la Palestine démontre comment cette nouvelle définition a servi d’outil dans la répression anti-palestinienne à travers l’étude de 53 cas en Allemagne, Royaume-Uni et Autriche entre 2017 et 2022. « Comme le confirme le rapport de l’ELSC, les allégations d’antisémitisme invoquant la définition de l’IHRA visent massivement les Palestiniens, les militants juifs et les organisations qui défendent les droits des Palestiniens. Cela donne à penser que la définition est mise en œuvre de manière discriminatoire. Les personnes ciblées subissent une série de conséquences injustes et préjudiciables, notamment la perte d’un emploi et des atteintes à leur réputation » souligne l’introduction du rapport.

En effet, les exemples associés à la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste) visent à assimiler l’antisionisme à une forme d’antisémitisme. Comme nous le rappelions dans un précédent article, sept des onze exemples mentionnent Israël. Ainsi, il serait antisémite de refuser « le droit à l’autodétermination des Juifs, en affirmant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste ». En d’autres termes, la remise en cause du projet de colonisation de peuplement sioniste de la Palestine est ici associé à une forme de racisme ce qui est une manière de silencier la remise en cause de l’État sioniste et son illégitimité. Évidemment, cette manœuvre est dénoncée par de nombreuses organisations dans le monde, à l’image de l’IJAN – Réseau International Juif Antisioniste.

« Le nom à consonance impressionnante de l’IHRA – une institution composée d’Israël et de 34 autres pays, dont la plupart sont de très proches alliés de Tel-Aviv et des fournisseurs d’armes en Europe et en Amérique du Nord – a été utilisé pour conférer à la définition un vernis d’autorité » d’après le journaliste palestinien Ali Abunimah. Par ailleurs, le rapport nous apprend que « les efforts pour saisir et codifier le « nouvel antisémitisme » dans une nouvelle définition ont été initialement soutenus par le professeur émérite d’histoire juive, Dina Porat, en sa qualité de chef du projet sur l’antisémitisme à l’université de Tel-Aviv. Il est significatif que ce projet ait été financé par le Mossad, l’agence nationale de renseignement d’Israël. Il a également été financé par des membres de groupes de défense pro-israéliens, tels que le Community Security Trust (CST) au Royaume-Uni, l’American Jewish Committee (AJC), l’Anti-Defamation League (ADL) aux États-Unis, le Congrès juif européen et B’nai B’rith International. » Dans un article publié par The Electronic Intifada, Ali Abunimah affirme « qu’en 2019, Porat et la coordinatrice de l’UE sur l’antisémitisme, Katharina von Schnurbein, ont partagé la scène avec d’autres hauts fonctionnaires européens et des responsables du gouvernement israélien lors d’une conférence à l’Université de Tel-Aviv sur la « montée de l’antisémitisme », conférence au cours de laquelle les orateurs ont fait une promotion agressive de la définition de l’IHRA et ont assimilé l’opposition au sionisme à du racisme contre les juifs. »

Aujourd’hui, la stratégie politique qui entoure les enjeux autour de cette définition est de plus en plus évidente. Depuis l’adoption de cette définition en 2017, l’Allemagne est le théâtre d’une répression anti-palestinienne croissante, de l’expulsion de l’écrivain palestinien Khaled Barakat à l’interdiction de manifestations jusqu’aux menaces d‘interdire Samidoun Deutschland. En France, plusieurs institutions ont adopté cette définition (comme l’Assemblée Nationale et le Sénat) et cela sert aujourd’hui de prétexte pour calomnier les opposants politiques des partisans de l’occupation israélienne. Par exemple, elle a été invoquée dans les argumentaires pour justifier la dissolution du Collectif Palestine Vaincra, une décision actuellement suspendue par le Conseil d’État.  Encore récemment, le député Renaissance Sylvain Maillard a insulté la députée insoumise Ersilia Soudais en affirmant « qu’elle a très clairement des positions antisémites » en se référant simplement à la résolution reprenant la définition de l’IHRA votée à l’Assemblée Nationale en 2019. Mais il omet évidemment de rappeler que celle-ci n’est pas contraignante d’un point de vue juridique.

Néanmoins, le rapport d’ELSC souligne que « bien que la définition de travail de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste soit présentée comme étant « juridiquement non contraignante », son influence de facto sur la politique et la pratique des gouvernements et des acteurs gouvernementaux et privés a contribué à des violations des droits de l’homme et de la liberté d’expression, de réunion et de participation politique ». Plus que jamais, il y a donc urgence à contester cet outil de la politique de criminalisation du mouvement de la solidarité avec la Palestine et réaffirmer que l’antisionisme est fondamentalement un antiracisme !