Vendredi 26 avril, la Voie Démocratique Ouvrière — région Europe organisait le webinaire « Les enjeux de la question palestinienne et les perspectives de solutions au lendemain du génocide à Gaza » avec la participation du Collectif Palestine Vaincra, mais aussi Liliana Cordova (membre de l’IJAN – Réseau International Juif Antisioniste), l’universitaire Leila Ghanem, le dirigeant et ancien prisonnier politique Abdallah El Harif et le responsable de la VDO-Europe Marouan Sakr. Nous reproduisons ci-dessous l’intervention faite par notre collectif :

 

Tout d’abord, je voudrais remercier la Voie Démocratique Ouvrière pour son invitation à ce webinaire. Depuis plus de 200 jours, nous voyons se dérouler sous nos yeux un véritable génocide à Gaza. 200 jours de massacre, de nettoyage ethnique, de famine contre des millions de personnes mais aussi 200 jours de résistance de tout un peuple. Face à cette situation, la Palestine n’est pas seule ! On voit se développer dans le monde entier un vaste mouvement de solidarité, du Maroc à Bahreïn en passant par les Etats-Unis et les Etats européens. Mais pour nous, il est important de comprendre que ce n’est pas une simple solidarité avec une lutte lointaine mais bien de l’entraide dans un combat commun, fondamentalement anticolonialiste, antiraciste et anti-impérialiste. En ce sens, défendre une Palestine libre et démocratique de la mer au Jourdain c’est défendre notre émancipation à toutes et tous.

Car Israël n’est pas seulement un Etat colonial et d’apartheid mais c’est d’abord et avant tout le poste avancé de l’impérialisme occidental dans le Monde Arabe, une colonisation de peuplement au service des Etats occidentaux depuis 76 ans. C’est le sens de la formule de Joe Biden, « S’il n’y avait pas d’Israël, les États-Unis devrait inventer un Israël pour protéger ses intérêts dans la région », et cela s’applique parfaitement pour les Etats européens.

En particulier, l’impérialisme français qui joue un rôle clef dans la colonisation de la Palestine : des accords Sykes-Picot en 1916 qui prévoit le partage impérialiste de la région entre la France et la Grande Bretagne au vote du plan de partage à l’ONU en 1947 en passant par la fourniture du nucléaire dans les années 60 jusqu’aujourd’hui à travers de nombreux accords économiques et militaires.

Et cette situation est particulièrement claire depuis le 7 octobre dernier où on a observé la volonté coute que coute des gouvernements occidentaux de préserver et soutenir le projet sioniste en intensifiant une coopération à de nombreux niveaux.

Par exemple, alors que le génocide en cours à Gaza a déjà fait plus de 35000 morts palestiniennes, la France continue d’être un partenaire stratégique de l’Etat sioniste dans le domaine militaire. Numéro deux mondial des ventes d’armes, l’industrie de l’armement française représente pas moins de 200 000 emplois. Cela regroupe un large éventail d’entreprises comme Thalès qui est le 16ᵉ plus gros vendeur d’armes au monde et un fleuron de l’impérialisme français. De très nombreuses entreprises hexagonales et israéliennes travaillent main dans la main sur de nombreux projets militaires et technologiques. En 2022, la France a vendu pour 25,6 millions d’euros de matériel militaire à Israël ce qui en fait son premier fournisseur européen.

De la même manière, l’occupation israélienne continue de bénéficier d’un accès privilégié au marché de l’Union Européenne grâce à l’accord d’association UE-Israël. Les échanges commerciaux entre l’UE et Israël ont considérablement augmenté depuis la signature de l’accord en 2000. L’UE est le premier partenaire commercial d’Israël, représentant 28,8 % de ses échanges de marchandises en 2022.

Face à ce constat, nous devons donc développer et enraciner une solidarité qui remettent en cause et combattant l’alliance stratégique entre l’impérialisme occidental et l’Etat sioniste. C’est le sens de tout notre travail au Collectif Palestine Vaincra depuis notre fondation il y a 5 ans.

En premier lieu, ce qui nous semble fondamental c’est de développer une mobilisation en France, comme dans toute l’Europe, en soutien à la résistance du peuple palestinien dans son combat contre le colonialisme et l’occupation. Cela passe par affirmer l’illégitimité du projet sioniste en tant que projet colonial et raciste et réaffirmer que la lutte du peuple palestinien est une lutte pour son émancipation et son autodétermination face à une colonisation de peuplement, au même titre que la résistance victorieuse des peuples algériens, haïtiens et vietnamiens contre l’impérialisme et le colonialisme. C’est pourquoi dans toutes les manifestations que nous organisons, nous scandons des slogans tels que « L’Algérie a vaincu, Palestine vaincra » ou encore « De la mer au Jourdain, Palestine vaincra ». Affirmer cela c’est renouer avec un antisionisme conséquent et soutenir le peuple palestinien autour des principes qu’il défend depuis les années 1960 à travers la charte de l’OLP à savoir rien de plus que le retour des réfugiés et la libération de toute la Palestine.

Ensuite, il nous semble important de souligner une solidarité qui dénonce les partenariats entre les institutions et entreprises occidentales avec l’Etat sioniste et qui appellent à la mobilisation populaire contre eux.

Par exemple, nous saluons la mobilisation exemplaire des étudiants aux Etats-Unis et qui commence à se développer en France, avec des occupations de plusieurs campus comme à Sciences Po Paris. Ces initiatives exigent la fin des partenariats dans l’enseignement supérieur avec les universités israéliennes. Cela souligne un développement significatif du boycott académique d’Israël et cette lutte forge une conscience anti-impérialiste pour une toute nouvelle génération de militantes et de militants. Signe de cette mobilisation, des centaines de comités de soutien à la Palestine se sont constitués depuis le 7 octobre dernier. Dans la très grande majorité, ces cadres d’auto-organisation investis par la jeunesse tournent le dos au processus d’Oslo et à la trahison de la direction de l’OLP incarnée dans la soi-disant « solution à deux Etats ».

De la même manière, on voit se développer de façon de plus en plus conséquente une mobilisation contre l’industrie de l’armement de l’impérialisme qui équipe l’armée israélienne. Depuis plusieurs mois et pour certaines années, des organisations comme Palestine Action ou Stop Arming Israel font un travail de recensement des liens entre les entreprises françaises de ce secteur et l’armée israélienne et se mobilisent de multiples manières pour le dénoncer et le combattre. En Angleterre, cette mobilisation a engrangé plusieurs victoires importantes de Palestine Action qui a permis de faire fermer plusieurs sites d’Elbit Systems, le principal fabricant d’armes israélien qui est implanté dans de nombreux pays occidentaux. A cela s’ajoute toutes les mobilisations autour du boycott d’Israël et des entreprises internationales complices dans d’autres secteurs, à l’image des firmes françaises comme l’assurance AXA ou le géant de la grande distribution Carrefour. Cette multinationale incarne parfaitement les complicités des entreprises internationales avec l’occupation israélienne. D’un côté, elle s’est implantée dès 2022 en Palestine occupée à travers un partenariat avec une entreprise israélienne fer de la lance de la colonisation. Et de l’autre, elle a offert des colis alimentaires aux soldats sionistes au début de l’offensive génocidaire à Gaza. Depuis, une large campagne de boycott est organisée dans de nombreux pays en particulier en France. A Toulouse, nous avons participé à de très nombreuses actions au côté du Comité de soutien à la Palestine, une coalition anticolonialiste sur la ville.

Encore une fois, toutes ces mobilisations doivent être comprises non pas comme des alternatives à la résistance du peuple palestinien mais bien en soutien à celle-ci !

Mais face à ces mobilisations et campagnes, on voit se développer de plus en plus significativement en Europe une répression toujours plus brutale contre les Palestiniens qui s’organisent ainsi que leurs soutiens. L’exemple le plus radical est bien sur l’Allemagne qui a interdit plusieurs organisations, comme la section allemande du réseau Samidoun, mais aussi tenté de criminaliser l’antisionisme ou a pratiqué une politique maccarthyste contre les Palestiniens en demandent de titre de séjour leur imposant des mesures profondément racistes visant à les éloigner de la lutte de leur peuple. Mais la France n’est pas en reste. Depuis plusieurs années, on observe une radicalisation autoritaire du pouvoir qui réprime et criminalise toutes formes de contestation de la politique. En 2022, notre collectif avait déjà été dissout par le gouvernement, bien que cette décision ait été suspendue par le conseil d’Etat. Depuis le 7 octobre, on observe un élargissement de cette répression qui touche l’ensemble du mouvement de solidarité avec la Palestine y compris ses expressions les plus modérées. Cela fait suite à une circulaire gouvernementale qui incite à poursuivre pour « apologie du terrorisme » et/ou « incitation à la haine » toute expression qui remet en cause le recit impérialiste et colonial. Depuis sa parution, au moins 626 procédures ont été lancées contre des militants et des anonymes sans compter la multitude de manifestations et conférences interdites ainsi que des menaces de dissolution contre des organisations. Parlementaires, syndicalistes, chercheurs, étudiants, anonymes, les convocations sont extrêmement nombreuses. Pire encore, le responsable de la CGT du Nord Jean-Paul Delescaut a été condamné à un an de prison avec sursis suite à la publication d’un tract de soutien à la Palestine. Face à cette situation, notre responsabilité est de faire front dans la diversité de nos engagements pour combattre cette politique et faire comprendre que les attaques contre les soutiens à la Palestine sont autant d’attaques contre l’ensemble de nos libertés démocratiques en Europe. Par exemple, notre collectif est à l’initiative d’un rassemblement organisé demain à Toulouse et qui est soutenu par 35 organisations autour du mot d’ordre « Soutenir la Palestine n’est pas un crime ».

Symbole de cette politique répressive et d’alliance criminelle des Etats européens et d’Israël, plusieurs prisonniers de la cause palestinienne sont actuellement emprisonnés en Europe : des militants de Palestine Action en Grande-Bretagne, le militant palestinien Amin Abu Rashed aux Pays-Bas et bien sur le communiste libanais Georges Abdallah en France. Celui-ci est emprisonné depuis 1984 alors qu’il est libérable depuis 1999 en raison de son engagement communiste, anti-impérialiste et antisioniste au sein de la résistance palestinienne. Ainsi exiger sa libération c’est bel et bien soutenir la résistance du peuple palestinien qui fait face au génocide en cours mais également dénoncer l’alliance des Etats européens avec l’Etat sioniste dont la répression anti-palestinienne est l’une des expressions.

En guise de conclusion, je voudrais citer l’intellectuel et révolutionnaire libanais Samah Idriss : « Si nous abandonnons la Palestine, nous nous abandonnons nous-mêmes » !