Mercredi 29 mars, le Comité de lutte du Mirail a invité le Collectif Palestine Vaincra à animer une conférence-débat sur la résistance de la jeunesse palestinienne à l’Université Toulouse Jean Jaurès. Pour la troisième fois, l’organisation d’événements consacrés à la solidarité avec le peuple palestinien dans le cadre de la mobilisation étudiante contre la réforme des retraites témoigne d’un intérêt croissant pour la solidarité internationale. La semaine dernière, nous avions organisé une projection de « Fedayin, le combat de Georges Abdallah » permettant de revenir sur l’histoire et le combat de ce militant communiste libanais emprisonné en France depuis 1984.

Nous avons commencé notre intervention par rappeler que la Palestine fait face à une colonisation de peuplement soutenue par les puissances impérialistes occidentales. De cette manière, résister à l’occupation israélienne est un droit légitime et doit être défendue comme un principe anticolonialiste. Comme le souligne l’universitaire Bikrum Gill, délégitimer les outils de résistance du peuple palestinien est « destinée à redéfinir les Palestiniens comme des êtres intrinsèquement non souverains que l’on ne peut reconnaître qu’en tant qu’objets dépendants et impuissants sur lesquels il convient d’exercer des actions émanant soit de la violence coloniale israélienne, soit de protecteurs impérialistes blancs ». Par ailleurs, nous avons également rappelé que c’est un droit défendu par la Résolution A/RES/37/43 de l’Assemblée Générale de l’ONU en 1982, alors que se développe une criminalisation de la résistance palestinienne et de ses soutiens aux Etats-Unis, au Canada ou dans les pays de l’Union Européenne. En particulier, les listes d’organisations « terroristes » assimilent scandaleusement l’essentiel des partis politiques palestiniens à des groupes tels que Al Qaida ou Daesh et visent à les isoler de la solidarité internationale.

Ensuite, nous avons souligné le rôle central de la jeunesse palestinienne au sein de cette résistance depuis les débuts de la colonisation sioniste. Historiquement, les étudiants ont joué un rôle important, par exemple à travers le développement de la GUPS (Union Générale des Étudiants Palestiniens) dans les années 1970. Dans l’article Le mouvement étudiant palestinien et la dialectique de la libération palestinienne et de la lutte des classes, les universitaires Lena Meari et Rula Abu Duhou rappellent que « le principal objectif de la GUPS était de préparer la jeunesse arabe à la libération nationale et de mobiliser les étudiants palestiniens pour qu’ils s’y engagent. La GUPS est devenue l’incubateur et le producteur de dirigeants et de cadres politiques et militants pour la révolution palestinienne. Cela se réflète dans le rôle vital joué par les membrs de la GUPS face à l’invasion israélienne du Liban en 1982 lorsque la GUPS a appelé ses membres étudiants à prendre part à la bataille et que des milliers de ses membres se sont rendus au Liban et ont résisté à l’invasion. »

Affiche de la GUPS France en 1972.

Aujourd’hui, la jeunesse est celle née après les Accords d’Oslo de 1993. C’est-à-dire des accords qui ont entériné le vol de la majorité de la Palestine et qui ont créé l’Autorité Palestinienne, une entité fantoche et corrompue qui développe « une coordination sécuritaire » avec l’occupation israélienne.  30 ans après, la situation n’a jamais été aussi catastrophique pour les Palestiniens avec toujours plus de dépossession et de violence coloniale. 30 ans après Oslo, la nouvelle génération rejette massivement les illusions incarnées par ce prétendu “processus de paix” – en réalité un processus de reddition du peuple palestinien face à l’occupation.

Dans les espaces de mobilisation et d’organisation de la jeunesse palestinienne, l’Université de Birzeit joue un rôle particulier. Située en Cisjordanie occupée, elle est le principal campus palestinien et un lieu de politisation important avec la présence d’organisations étudiantes représentant l’ensemble du champ politique palestinien. Face à cela, l’occupation israélienne réprime les étudiants. Son outil essentiel est de criminaliser les organisations étudiantes en les désignant comme terroristes ou illégales. Par exemple, l’organisation de gauche Pôle étudiant démocratique progressiste a été classée terroriste en 2020. De cette manière, participer à une réunion, un rassemblement ou même une danse de Dabke peut entrainer une arrestation. Chaque année, des centaines d’étudiants sont arrêtés par les forces d’occupation, parfois au sein même du campus. Aujourd’hui, plus de 80 étudiants de l’Université de Birzeit sont emprisonnés, souvent en détention administrative c’est-à-dire sans charge ni procès pour 6 mois renouvelable. Face à cette scandaleuse répression, nous avons rappelé notre engagement au sein de la campagne #FreePalestinianStudents qui regroupe plus de 300 organisations dans le monde et qui porte au niveau international la solidarité avec le mouvement étudiant palestinien et exige la libération de l’ensemble des étudiants injustement emprisonnés.

Rassemblement à l’Université de Birzeit.

Ensuite, nous sommes intervenus pour expliquer l’évolution de la situation politique en Palestine occupée avec une augmentation quantitative d’actes de résistance depuis un an. Ils sont le fruit d’organisations de jeunes Palestiniens non liés à des partis politiques traditionnels qui en ont assez de la situation et veulent résister à la violence coloniale, par exemple la Fosse aux Lions à Naplouse. Comme le souligne le chercheur palestinien Abu-Jildeh, « le groupe nouvellement formé représente une nouvelle génération de jeunes Palestiniens qui en ont assez du colonialisme et de ses collaborateurs palestiniens. Il s’agit d’un groupe non hiérarchique et non partisan. L’émergence de ces groupes ne démontre pas seulement le mécontentement à l’égard de l’Autorité palestinienne et des dirigeants des différents partis politiques, mais aussi un mouvement visant à raviver le sentiment d’unité palestinienne et l’état de résistance vécu lors des événements de mai 2021. » 

Face à l’émergence de ces nouvelles organisations de résistance, plus de 90 Palestiniens ont été assassinés par l’occupation dans le but d’enrayer ce phénomène. En dépit des massacres et de l’exacerbation de la violence coloniale, c’est un échec sécuritaire flagrant. Au contraire, on observe un soutien massif de la population vis-à-vis de ces différents groupes. 68% des Palestiniens soutiennent la formation de ces groupes, tels que la Fosse aux Lions, et 87% pensent que l’Autorité Palestinienne n’a pas le droit d’arrêter leurs membres, selon le Palestinian Center for Survey and Policy Research en mars 2023. À de nombreuses reprises, on a pu observer ce phénomène de soutien de masse que l’on appelle Al Hadena al Sha’bya – l’incubateur populaire c’est-à-dire la profonde cohésion et unité entre le peuple palestinien et sa résistance. « Lorsque l’Autorité palestinienne lance un appel pour que les gens sortent dans la rue, personne n’y va… Lorsque des jeunes hommes de 18 ans ont demandé aux gens de sortir dans la rue à 1h30 du matin, tout le pays est sorti dans les rues », a déclaré la coordinatrice de Samidoun en Palestine.

Par ailleurs, nous avons rappelé que la jeunesse palestinienne ne se mobilise pas seulement en Palestine. En raison de la colonisation sioniste et de ses conséquences, des millions de Palestiniens vivent aujourd’hui dans les camps de réfugiés dans les pays limitrophes mais aussi en exil, comme en Europe. De cette manière, la jeunesse dans la diaspora joue un rôle important dans la construction de cet incubateur populaire en soutien à la résistance, mais aussi en défense de leur droit au retour. Par exemple, la Marche pour le retour et la libération de la Palestine organisée en octobre dernier à Bruxelles par le mouvement Masar Badil est l’une des expressions de rue les plus importantes de cet incubateur populaire au niveau international.

La conférence s’est conclue sur notre responsabilité ici de construire un mouvement de solidarité avec la jeunesse et l’ensemble du peuple palestinien qui lutte pour la libération de la Palestine de la mer au Jourdain. En particulier, nous devons nous mobiliser contre toutes les formes de coopérations entre la France et Israël, à l’image du jumelage de Toulouse avec Tel Aviv. Car non seulement nous devons refuser que les crimes sionistes se fassent en notre nom, mais nous devons également affirmer que la solidarité internationale c’est l’entraide dans un combat commun, fondamentalement anti-impérialiste et anticolonialiste.